Les régimes : pas la bonne façon de mincir ! (Jean-Michel Lecerf au colloque OCHA-Alimentations particulières)
Le colloque OCHA – Alimentations particulières dont je vous ai déjà parlé a proposé une intervention du Professeur Jean-Michel Lecerf, responsable du service nutrition de l’Institut Pasteur de Lille. Je le connais un peu pour l’avoir entendu plusieurs fois en conférence et je suis globalement plutôt en phase avec ce qu’il raconte, avec sa longue expérience des problématiques de poids. Je le trouve à la fois plein de sagesse et d’humanité, ne prétendant pas pouvoir faire des miracles et insistant sur la complexité de la prise en charge des problèmes de poids.
Jean-Michel Lecerf a notamment été le coordinateur du rapport Anses sur les régimes et il est clairement contre la folie des régimes. Il a insisté sur la distinction à faire entre l’envie légitime de perdre du poids pour sa santé quand on est en surpoids et la mode largement répandue collectivement de se mettre au régime sans bonne raison.
En effet, il ne remet pas en cause en soi l’envie/le besoin de perdre du poids mais il dénonce à la fois :
– une « erreur de casting » parmi les candidats à l’amincissement. En effet, on y trouve pour une part non négligeable des personnes qui ne devraient en aucun cas se mettre au régime :
. les enfants,
. les adolescents,
. les personnes âgées et surtout, très souvent… :
. les femmes de poids normal.
– la façon de vouloir le faire, par des régimes restrictifs qui ont des effets secondaires :
– physiologiques, en entrainant dans une spirale de reprise de poids (yoyo), et en entamant le capital osseux, la masse musculaire, …
– psychologiques, avec de la frustration, de la culpabilité, une baisse de l’estime de soi puisqu’on s’en veut de ne pas y arriver et un développement fréquent de troubles du comportement alimentaire.
La « panoplie » spécial régime, non ?!
Beaucoup de personnes confondent le poids idéal dont elles rêvent, mais qui n’est pas fait pour elles (cf mon billet sur les 3M) et un poids naturel, souhaitable, raisonnable, confortable. Alors, il passe son temps à détromper les patients qui croient parfois qu’il a une recette magique ou que c’est à lui de faire tout le travail, telle cette personne qui lui dit un jour « S’il vous plait, maigrissez-moi, docteur ! ».
Jean-Michel Lecerf a mis en avant l’obsession de la minceur comme une volonté de mettre tout le monde dans le même moule et un manifestation du refus de la différence. Il a ainsi bien distingué le fait de lutter contre l’obésité qui n’a rien à voir avec une lutte contre les obèses !
Il a aussi insisté sur le fait que l’obésité n’existe pas en soi : il existe DES personnes obèses, qui sont toutes différentes et auxquelles il est donc impossible d’apporter une réponse unique. En effet une multitude de facteurs spécifiques à chacun interviennent : l’age, le niveau de poids, l’histoire du poids et les causes de la prise de poids, les aspects psychologiques, la morphologie, le mode de vie, les facteurs de risque, le comportement alimentaire, …
D’où la nécessité d’une approche personnalisée, aux antipodes des régimes standard qu’on continue à nous faire miroiter… Il s’agit de s’occuper de son alimentation, de réviser ses habitudes en douceur, de changer progressivement de mode de vie.
Enfin, j’ai aimé un raccourci qu’il a fait, qui m’a vraiment parlé :
RE-MEDICALISER L’OBESITE et DE-MEDICALISER L’ALIMENTATION !
Visuel © FOOD-micro – Fotolia.com
A propos d’approche personnalisée, ce serait bien que les médecins s’y mettent aussi. Qu’ils arrêtent de se référer à ce stupide IMC, et qu’ils s’intéressent à l’histoire du patient.
Bonsoir Ariane, je me permets d’attirer votre attention sur cet article sur lequel je viens de tomber et qui est relativement inquiétant… http://www.lanutrition.fr/les-news/sucres-les-vrais-risques.html qu’en pensez-vous ?
Merci d’avance ! Bon week-end !
Bonsoir,
Audrée, je lis très régulièrement lanutrition.fr également, la parole est donnée à des personnes qui pensent de manière différente (souvent, parce qu’ils n’ont aucun lien avec les industries agro-alimentaire et pharmaceutique).
Il existe un lobby du sucre, des féculents, des produits laitiers qui est néfaste à la santé publique et coûte très cher à la Sécurité Sociale. Je ne veux pas diaboliser ces aliments mais il est bien dangereux de vouloir nous les imposer à chaque repas (on sait par exemple que le sucre est 4 fois plus addictif que la cocaïne).
Merci Gauthier pour cet éclaircissement. D’ordinaire je prends ce genre d’info avec des pincettes, mais là je dois avouer que c’est assez déroutant (d’autant plus pour une étudiante en diététique qui justement doit conseiller ces « aliments » à tous les repas…).
@Mag à l’eau bien sûr mais je crois que souvent ils ont des consultations trop courtes pour une vraie approche personnalisée (les miennes durent 3/4 h et la première plus d’une heure…)
@Audrée @Gauthier il n’y a aucune raison de diaboliser le sucre, il fait partie de notre alimentation, mais pas de raison d’en manger en excès non plus. Le sucre n’est pas addictif comme la drogue, aucun aliment n’a les effets sur le cerveau qu’ont l’alcool, le tabac, la drogue mais sa consommation peut mettre en jeu d’autres mécanismes complexes. Il me parait par ailleurs fantaisiste de mélanger les féculents qui nous apportent de l’énergie nécessaire et les produits sucrés qu’on peut manger de façon plus occasionnelle. L’essentiel c’est d’avoir une alimentation variée avec toutes les familles d’aliments mais pas toutes les familles à tous les repas (l’équilibre se fait sur la durée) ! Si on a un penchant marqué vers le sucre, il y a souvent un aspect émotionnel à traiter, et ce n’est pas l’interdit qui réglera le problème… PS : je suis totalement indépendante et liée à aucun lobby !
Bonsoir,
Je ne vous accuse absolument pas d’appartenir à un lobby ; on sent vraiment à travers votre blog l’amour que vous avez pour votre métier, la passion pour le plaisir de manger, la volonté d’aider des personnes en souffrance et ce n’est pas très fréquent malheureusement.
Je suis d’accord également sur le fait que l’équilibre se fait sur la durée et qu’il est essentiel de varier son alimentation et donc les plaisirs.
Par contre, je répète que le sucre et les aliments à index glycémique élevé ont un pouvoir addictif. Comme les drogues, la dépendance au sucre et aux glucides raffinés est en réalité causée par un problème biochimique. Ces aliments affectent la biochimie de notre cerveau et notre équilibre hormonal. Une étude de 2007 conduite à l’université de Bordeaux montra que le sucre est quatre fois plus addictif que la cocaïne et confirme les conclusions d’une précédente étude menée à l’université d’Harvard. . Le Dr Julia Ross, une psychothérapeut américaine a publié à ce sujet des livres de vulgarisation. Son approche est centrée sur la biochimie du cerveau (donc très scientifique, très « anglo-saxonne »).
En conclusion, l’interdit ne règlera pas le problème (nous sommes d’accord sur ce point et la science le confirme !). Par ailleurs, je trouve l’approche psychologique essentielle mais insuffisante ou trop longue à donner des résultats dans une société aujourd’hui submergée d’aliments à index glycémique élevé.
@Gauthier merci pour l’intro vraiment sympa et juste ! Concernant le sucre, les études scientifiques les plus récentes (confirées par d’éminents addictologues) montrent qu’il n’y a pas d’addiction au sucre en tant que produit comme aux drogues, alcool, tabac, au sens où cela n’a pas d’effet sur les mêmes récepteurs du cerveau. En revanche, il y a des choses à comprendre au niveau de la zone du cerveau appelée « système de récompense », qui chez certaines personnes ne fonctionne pas « normalement ». Par ailleurs, d’après des recherches en cours présentées récemment au colloque JABD sur les relations entre système digestif et cerveau, il semblerait qu’une alimentation grasse et sucrée très répétée modifie le fonctionnement des capteurs qui envoient un signal de satiété, ce qui signifierait que plus on mange, plus on mange ! Par ailleurs, dans le cadre d’une alimentation normale et variée, je suis tout à fait d’accord avec vous qu’il n’y a pas lieu d’abuser des aliments très sucrés.