Tentative de sociologie du mangeur parisien (titre légèrement exagéré…)
Il y a quelques semaines, en décembre, cheminant rue St Lazare, j’ai vu sur la vitrine de la petite « cantine » sympa Obene, habituellement toujours pleine, que le bail était à céder. Je suis entrée et cela avait beau être l’heure du déjeuner, c’était vide. Le chaleureux et volubile patron m’a expliqué qu’il avait fait son temps, que les clients avaient tendance à chercher autre chose et il s’est lancé dans une sorte d’analyse sociologique des mangeurs que je pourrais résumer ainsi : les ouvriers ne s’autorisent pas à venir chez lui et mangent un sandwich ou un kebab sans que cela soit tellement plus économique, les jeunes cadres achètent des repas à emporter pour dévorer à toute vitesse, les mangeurs chics jugeraient cela plus intéressant si c’était plus cher, les bobos viendraient davantage si c’était bio et les branchés ne jurent plus que par le bagel : deux lieux spécialisés danc ces petits pains à garnir ont ouvert en quelques mois rien que dans cette même rue (cela ne me tente guère personnellement).
Ce jour-là, j’avais un déjeuner prévu (avec la pétillante Florence) mais je suis revenue quelques jours plus tard : chez Obene, selon son appétit, on choisit 3 ou 4 saveurs et on a le choix entre de multiples propositions à couleur méditerranéenne. J’ai pris 3 saveurs et j’ai choisi un mélange de céréales parfumé, une tranche de terrine-tagine et un mélange de légumes. C’est plaisant et rassasiant. Et tout cela pour 7 euros. Si on prend un dessert car on a bien faim, on monte à 8,50 ou 9 euros. Bien sûr, tout le monde ne peut pas dépenser cela pour son déjeuner mais cela est souvent le montant des tickets repas parisiens.
Et cela m’a donné l’idée de faire un petit comparatif socio-professionnel :
– dans la peau des cadrettes/modeuses, je suis allée chez Cojean où je vais assez rarement désormais : au lieu de deux éléments comme d’habitude, j’ai pris soupe (champignon-noisette), plat (une salade de sarrasin -ou plutôt de spelta, c’est plus chic !-cabillaud-haricots verts-fèves…), dessert (une mousse marron-pain d’épice-café spécial Noël). C’était très bon et copieux mais cela m’a coûté 15,50 euros !!!
– dans un autre style, à la recherche d’un autre style de travailleurs et ayant des courses à faire chez Castorama, m’est venue l’idée d’aller manger chez Flunch place de Clichy. Un peu l’impression d’un retour au self-cantine de ma vie de salariée… Et en effet, c’est un autre style de clientèle, varié : des employés, retraités, étudiants… Je prends un plat (un steak haché, le plat le moins cher) + un yaourt + du pain (dont j’aurais pu me passer). A noter que les « légumes » (y compris les féculents) sont à volonté après les caisses donc avec entière liberté de se resservir : cela donne la possibilité d’un accompagnement varié mais cela peut aussi être une incitation à trop manger. Côté plaisir gustatif, ce n’est pas vraiment mauvais mais pas top non plus ! Et cela m’a quand même coûté 8 euros. Pas si économique que cela…
Et vous, vous en pensez quoi de la sociologie des « cantines » parisiennes ?
PS : Obene ferme le 31 janvier.
Comme quoi difficile de se lancer en restauration sans « marketer »… Comment marketer une passion, la générosité d’un chef ? Et encore, s’il faut suivre les tendances, il faut savoir faire évoluer sa table en conséquence. C’est un commerce, il faut donc raisonner comme tel, la qualité et le prix ne suffisent sans doute pas ? Dommage…
Salut,
Je trouve l’analyse du marche des déjeuners parisiens très pertinente! Quand je travaillais à côté de Saint Lazare j’allais souvent déjeuner dans une petite cantine de la sorte. Le concept était très simple, peu de choix mais du fait maison et tant pis pour les retardataires. Très sympa! Maintenant je me prépare mes salades, je travaille dans un aéroport, le choix de restauration n’est pas parmi les meilleurs gustativement parlant, cher et dont la qualité laisse à desirer
Bonne journée,
Mystinguett
cojean c’est bon mais trop cher; Globalement quand on voit les tickets resto à 8 euros et que comme par hasard un sandwich une boisson et un dessert en boulangerie sont à 8 euros (soit plus de 50 francs) on hallucine totalement et les boulangers en profitent largement.
j’ai la chance d’avoir un resto d’entreprise car il n’y a rien dans mon quartier de sympa, de bonne qualité et pas trop cher : entre le faux japonais qui pullulent, le kébab, le chinois et le couscous, je rêve d’un bistrot sympa à l’ancienne où l’on peut bien manger pour moins de 10 euros
Tout à fait, certains lieux sont fréquentés par des « catégories » de personnes.
Dernièrement j’ai tenté Prêt à manger près de chez moi, juste pour boire un verre, et il n’y avait que des étudiants, j’avais l’impression d’être une étrangère du coup ;-). J’ai pris le jus le moins cher, un smoothie banane, mangue et pomme à 3€, qui était très bon mais les autres jus ainsi que les pâtisseries et autres avaient l’air bonnes mais très chères.
Parfois on mange donc pour moins cher et meilleur dans de petites adresses. Le tout est de les trouver :-).
Bonjour, et pardon d’avance pour ce commentaire presque entièrement hors-sujet… Je réagis à la phrase « les bobos viendraient davantage si c’était bio » et j’avoue que ce raccourci (ô combien généralisé) me navre à chaque fois. Comme si manger bio était le comble du snob (pour recourir à un terme plus ancien que ce « bobo » que je n’aime pas). Ariane, vous qui prônez le plaisir, les saveurs et les bons produits, s’il vous plaît, aidez les amateurs de bio à combattre ce cliché. Personnellement, je ne mange pas de légumes bio parce que c’est plus chic ou plus tendance. Je les mange parce qu’ils sont infiniment meilleurs, il suffit de comparer pour s’en convaincre… et surtout, ils ne sont pas plus chers que les autres ! En tout cas dans mon quartier de l’est parisien, où les prix du magasin bio sont plus raisonnables que ceux du supermarché, avec ses fruits flapis et ses légumes flétris (vivant aussi à mi-temps en province, je sais que ce n’est pas le cas hors Paris, malheureusement). Non seulement ce magasin bio m’a réconcilié avec les courgettes, par exemple (c’est tellement bon, quand c’est bon… :-)), mais il m’a aussi permis de découvrir des variétés de pommes, de salades et de légumes dont j’ignorais l’existence et avec lesquelles je me régale désormais… Bref, ça n’est vraiment qu’une histoire de plaisir des papilles, et je trouve toujours désolant qu’on moque les mangeurs bio en les qualifiant de « bobos »…
Une amie m’a recement enmenné chez cojean et même si le concept est a priori séduisant j’ai été bien déçue. Certes les recettes sont alléchantes et les produits frais donnent envie mais les portions sont minuscules pour les prix pratiqués. Je suis désolée, mais une mini salade à plus de 6 euros, je trouve ça cher. Même chose pour la salade de mangue à presque 3 euros. De plus, déjeuner dans cette ambiance de self n’est pas très très agréable.
Alors qu’il existe bien des restaurant où l’on peut manger pour pas trop cher surtout le midi et qui propose un vrai service avec table, nappes et serveurs qui vous apporte votre plat. A nous de les dénicher, mais cela fait aussi partie du plaisir…
Coucou Ariane !
C’est toujours un plaisir de te lire et ton analyse du mangeur parisien est plutôt (voire très!) pertinente.
Merci pour tous tes billets que je lis avec gourmandise et je reconnais (à ma grande honte …) que je ne connaissais pas du tout Obene (alors que je suis sûre que c’est typiquement le genre que j’aimerais !)
@tiuscha eh oui le marketing, le buzz, les tendances sont parfois injustes mais peut-on faire sans ? je crois que c’est possible en tout cas de rester authentique
@Mystinguett merci beaucoup ! et en effet mieux vaut se préparer son repas que mal manger: je dis souvent que c’est avantageux gustativement, nutritionnellement et économiquement !
@bouchard quand on a la chance d’une cantine correcte (ce n’est pas si courant), c’est en effet la solution la plus avantageuse et non prise de tête. Et je trouve aussi que les boulangers exagèrent souvent…
@Virginie @Milounette soyons à l’affût des bonnes petites adresses plutôt que des chaînes, si vous en avez, n’hésitez pas à les partager !
@Arno pas de confusion ! D’abord, je me fais le reflet de la discussion qui a eu lieu. Par ailleurs, ce n’est pas parce que les bobos veulent manger bio que tous ceux qui mangent bio sont des bobos, bien sûr que non ! Il y a diverses motivations à le faire mais je ne suis pas tout à fait d’accord sur celle du goût. De nombreuses études ont montré qu’il n’y avait pas vraiment de supériorité gustative du bio en comparant des choses comparables, par exemple des produits locaux de saison avec un circuit court. Bien sûr, si on compare du bio local avec un produit de supermarché ayant beaucoup voyagé et passé du temps en chambre froide, il n’y a pas photo !
@Milounette pour ma part, je ne trouve pas que les portions soient minuscules chez Cojean (par rapport à mon appétit) ! peut-être est-ce l’influence du contenant qui donne cette impression. Les salades autour de 6 euros ne sont pas trop minis et avec une soupe ou un dessert, cela peut faire un repas. Mais cela reste en effet cher. L’ambiance me va (le self, c’est plutôt Flunch !) mais les contenants, bof !
@Camille merci beaucoup, tu me fais grand plaisir ! Pas de honte à ne pas connaitre Obene, c’est vraiment une petite cantine ancrée localement, pas de raison de faire des km pour y venir !
J’avais bien compris qu’il s’agissait d’un propos rapporté, pas de souci ! 🙂 En revanche, le sophisme qui dirait « tous les bobos mangent bio, donc les mangeurs de bio sont des bobos » semble malheureusement un syllogisme à beaucoup de gens, et cela ne contribue pas à la sortie de ghetto du bio. Par ailleurs, j’ai bien plus confiance en mes propres papilles qu’en de « nombreuses études » portant sur le goût, sujet par essence ô combien subjectif : quels panels, composés comment, recrutés par qui, et sur quels critères ? Je ne me reconnais absolument pas dans les choix effectués par les panels de Monadis pour « Saveurs de l’année », par exemple. Et j’invite plutôt chacun à forger son propre avis, sans se soucier des panels ni des on-dit. C’est facile : il suffit d’entrer une fois dans une boutique bio (ou sur le stand d’un marché), d’écouter sa curiosité… et d’essayer ! 🙂
@Arno tout à fait d’accord, à chacun de se fier à ses papilles, pour le bio ou le non bio, ne nous limitons pas !
Arno, je ne pense pas qu’Ariane voulais dire que les mangeurs de bio sont bobos mais que les bobos, parce que c’est tendance, ne jure que pas le bio ! Un agriculteur bio, qui mange donc bio n’est pas considéré comme snob, mais un nouveau riche qui refuse catégoriquement de manger autre que bio sans en connaître les raisons n’est pas à la recherche du goût et de la santé mais plutôt de la tendance. C’est malheureux pour eux, mais tant mieux pour nous ! Parce que grâce à cette tendance, le bio se démocratise. 😉
@Agrume merci c’est bien ce que je répondais et qui que l’on soit, c’est intéressant de se demander pourquoi on mange bio plutôt que de suivre les modes sans réfléchir, cf un billet pas démodé https://www.arianegrumbach.com/archive/2010/10/10/stop-au-tout-beau-tout-bio.html
Bonjour Ariane,
bravo pour ce débat sur d’une part la cantine et d’autre part le bio…
Concernant Cojean et consort, je suis d’accord, les portions sont tout à fait convenables mais c’est affreusement cher et branchouille. C’est bon, mais c’est un concept un peu comme le Pain quotidien. A New York, le Pain quotidien et le Prêt à manger étaient mes deux cantines. Au menu salades, soupes de légumes… Très bon, pas si cher et varié surtout dans une ville où la malbouffe est partout. A Paris, on a plus de choix et ce genre de « cantine » sont les bienvenues, mais réservées à une certaine catégorie de la population (nous sommes un certain nombre à ne pas bénéficier de Ticket restaurant et manger sainement pour 9 euros est un luxe…).
Quant à Flunch… Mon Dieu ! Pour moi, c’est la punition. Je n’y aime rien… Tout est sous vide, trop cuit et sans saveur… Peu m’importe que tout soit à volonté, je n’y aime rien… C’est vrai, nombre de clients s’y retrouvent financièrement, mais on y mange dans une ambiance un peu glauque et surtout bruyante… Pas génial pour se restaurer…
Quant au bio, je partage le point de vue d’Arno. Ce n’est pas parce qu’on habite Paris et qu’on mange bio que l’on est bobo, surtout lorsque l’on se veut injurieux à l’égard de cette catégorie de la population. Là où je vous rejoins, Ariane, c’est que les produits ne sont pas forcément meilleurs que chez un bon maraîcher qui propose des produits locaux. La grande différence, lorsque l’on consomme du bio et surtout local, c’est que l’on a le souci de celui qui cultive ses produits, qui n’utilise pas de pesticides, etc. C’est aussi une question sociale et économique. Je viens de lire votre billet sur le bio et en fait il y a une grande confusion. Manger bio, pour moi, c’est renoncer à consommer en masse, éviter d’acheter dans les grandes surfaces et mieux encore éviter les produits industriels au maximum. Pour moi, il est stupide d’acheter par exemple des repas tout faits bio et industriels bourrés de E je ne sais quoi ou pire encore de graisse hydrogénée. Car oui, les industriels bio ont le droit de mettre des cochonneries dans leurs produits et dans ce cas, cela n’a aucun sens. Comme le très bon exemple que vous donniez sur le hamburger Quick. Tout ça c’est du marketing. Et effectivement si l’on veut continuer à manger des produits industriels ou aller dans de grandes chaînes de restauration de malbouffe, le bio est complètement superficiel.
@Anne-Sophie merci, je suis bien d’accord, manger pour 8-10 euros tous les jours, surtout quand on n’a pas de tickets restaurant, c’est énorme et vraiment pas donné à tout le monde. Et c’est le prix que j’ai payé chez Flunch aussi donc pas la peine de s’infliger cette « punition » ! Ce que je préconise quand on n’a pas de cantine, c’est, au moins 2 ou 3 fois par semaine de se préparer son repas à emporter, si possible à partir des restes : ce sera bon, sain et économique. Quant aux bobos j’ai répondu et par ailleurs c’est devenu un terme un peu trop péjoratif, un peu éloigné de la réalité de départ (et qui en France a lu le livre américain qui a lancé ce thème… ?). Par ailleurs, tout ce que vous dites sur une façon de manger saine, c’est vrai mais on n’est pas obligé de manger bio stricto sensu pour cela
Bonjour Ariane,
Quel courage d’avoir donner de ta personne en allant déjeuner chez Flunch!
Je ne fréquente pas du tout mais alors pas du tout les cantines dont tu parles, je suis plutôt « bistrot » ou alors « exotique », mais je suis d’accord avec l’analyse de ce restaurateur qui jette le torchon. Les prix sont souvent fixés… par le marketing culino-identitaire et hélas pas par la qualité de la cuisine.
Bonjour Ariane,
Très juste votre article sur les déjeuners parisiens.
Je travaille à Boulogne dans une société qui n’a pas de cantine.
Globalement j’ai le choix entre : chinois, faux japonais, bagels, boulangerie ou mes petits bentos maison.
Outre la nette différence de cout entre le fait maison et les 7/10€ il y a aussi une motivation de qualité et savoir que ce que je vais manger sera bon, sain et végétarien (ce qui complique ma tâche si je déjeune à l’extérieur).
J’ai donc renoncé depuis un bon moment à chercher une cantine près de mon bureau pour l’installer à mon bureau. Il ne manque qu’un bol d’air pour aérer l’esprit et c’est le top.
Voilà pour mon déjeuner parisien !
A bientot et merci pour votre article
Je suis incapable de dire si cette sociologie est ressemblante ou non au parisien.
Ce que je peux dire, c’est que si j’étais Parisienne, je préférerais sans doute manger chez Obene, la plupart du temps.
Flunch avait un principe intéressant mais qui est perdu pour moi : leurs légumes sont si mal cuits, et le plus souvent, si mal assaisonnés, que c’est un calvaire de les manger. Le prix n’est donc modique qu’en principe.
@LaFrancesa @Cicciotella en effet, ce n’était pas vraiment le top de la gourmandise Flunch et je ne compte pas en faire mon quotidien…
@Bénédicte oh oui, vive le bento maison, même si ce n’est pas tous les jours !
Bref, notons précieusement les adresses des petites « cantines » bonnes, chaleureuses, cuisinant du frais et pas trop chères et alternons avec des bons repas maison !
Débat intéressant. Je rejoins certains commentaires en disant que manger pour 8/9€ par jour c’est beaucoup quand on a pas de tickets restaurant, même en en ayant. Pour ma part je garde mes TR pour aller aux restau le week-end. Sinon je fais ma popote et emmène mes repas au bureau.
Sinon je pense que ça dépend beaucoup de quelle catégorie socio-professionnelle on observe comme tu l’as bien fait. Ca dépend aussi de l’évolution du travail, les pauses déjeuner sont moins longues qu’avant et beaucoup de gens mangent au bureau. Je travaille vers Grands boulevards et j’en distingue certains:
les gens qui bossent dans la com/culture/médias : beaucoup de salades, de trucs bio, sans gluten (même si ils ne sont pas allergiques !!) le genre cojean.
les ouvriers : sandwichs ou souvent pain et conserve au supermarché
cadres/employés qui ont une cantine d’entreprise.
étudiants : McDo, panini,sandwich
Le bon point c’est que des fois différentes catégories se retrouvent, le sandwich est plébiscité par l’ouvrier, l’étudiant ou le cadre.
@Sarah merci beaucoup pour ce témoignage sociologique !
Merci à toi pour ce blog qui décomplexe les gourmands et qui est plaisir de bonnes trouvailles.
@Sarah merci beaucoup, je suis ravie !