Attention aux obsessions alimentaires, l’orthorexie peut vous guetter…
Vouloir manger sain, ne pas donner « n’importe quoi » à son corps, quoi de plus normal si on prend soin de soi ? Mais cela peut parfois tourner à l’obsession. Et devenir ce qu’on appelle l’orthorexie (étymologiquement « manger droit »). Un trouble du comportement alimentaire dont j’ai déjà entendu parler à différentes occasions, notamment lors du colloque Ocha sur les alimentations particulières.
Cette fois, c’est le psychiatre Gérard Apfeldorfer qui en a parlé au congrès du GROS, en liaison avec une des peurs décrites par Jean-Pierre Corbeau, celle de l’empoisonnement. Pour nous faire prendre conscience de notre difficile condition d’omnivore, il a commencé par une comparaison avec le koala. Le koala mange uniquement des feuilles d’eucalyptus. Donc le choix est facile pour lui : soit ce sont des feuilles d’eucalyptus et ça se mange, soit c’est autre chose et cela ne se mange pas ! Nous, nous sommes des omnivores, nous avons besoin d’une alimentation variée mais en même temps goûter de nouveaux aliments nous inquiète, on pourrait s’empoisonner. Du coup, nos peurs, notre prudence, sont légitimes mais nous devons parfois passer outre, nous devons « être à la fois conservateurs et aventureux ».
Cette peur de s’empoisonner aujourd’hui, elle n’est plus tant liée à un poison réel qu’à des aliments jugés néfastes, dangereux, suspects. Et quand on veut les éviter, on devient de plus en plus strict(e) dans sa façon de manger, on cherche à se nourrir uniquement de « bons aliments ». Gérard Apfeldorfer a défini l’orthorexie comme la quête obsessionnelle d’une nourriture parfaitement saine, d’aliments purs, ne présentant aucun danger. En quelque sorte une alimentation qui éviterait toutes les maladies, peut-être qui rendrait immortel ! Mais, affirme-t-il, il n’y a pas d’aliment parfait ! Il est normal de manger des aliments imparfaits, cela fait des années qu’on le fait et notre espérance de vie augmente. Au contraire, nous dit-il, « c’est l’obsession de la qualité alimentaire qui est toxique ».
Le psychiatre distingue deux types de comportements orthorexiques : l’hypocondriaque qui vit dans la peur des maladies et espère se protéger via une alimentation parfaite. Et la paranoïaque qui se persuade qu’on veut l’empoisonner. Ce trouble a été décrit il y a quinze ans aux Etats-Unis et il existe un test pour déterminer si on est atteint. Mais on discute sur son échelle. Car où cela commence-t-il ? Comment fixe-t-on une limite claire entre simplement manger sain et avoir un comportement obsessionnel ?
L’orthorexie paranoïaque « se nourrit » de lectures et reportages angoissants (visuel GA)
Sans doute quand cela perturbe sérieusement la vie quotidienne. Quand on se met à refuser systématiquement de manger des aliments qu’on n’a pas choisis soigneusement et cuisinés soi-même, quand on ne peut donc plus partager un dîner chez des amis ou au restaurant, qu’on fait des détours importants pour s’approvisionner, qu’on développe une méfiance permanente vis-à-vis des aliments courants, qu’on supprime de nombreuses catégories d’aliments, que tout cela occupe la majorité des pensées. C’est alors qu’il faut sans doute traiter l’orthorexie, car elle dégrade la qualité de vie : il s’agira de réintroduire progressivement des aliments, de traiter les angoisses associées, de travailler sur les pensées récurrentes autour de la nourriture.
Et comment être aujourd’hui un mangeur heureux ? Le mode d’emploi de Gérard Apfeldorfer : goûter, cuisiner, manger avec plaisir, dans la convivialité, des aliments dont on pense du bien, se méfier en revanche des aliments étranges et non identifiés (il propose 2/3 de confiance, 1/3 de défiance). Et varier son alimentation est la meilleure protection contre les « poisons » éventuels de certains aliments (ce que je ne cesse de répéter…).
Et « prendre le risque de manger comme on prend le risque de vivre » conclut-il…
Voici un billet plein de bon sens.
Bonne journée.
ouf ! je ne suis pas obsessionnelle… mais Je trouve que ça prend de plus en plus de plus de place tout de même dans ma vie.. je suis moins insouciante pour manger 🙂
Brigitte
http://www.brigitteathome.com
Hello,
L’industrie agro alimentaire n’a pas échappé à la course au profit quelqu’en soit le prix. C’est affolant de voir de quoi sont composés la plupart des produits transformés.
Le pire c’est qu’on arrive à manger des aliments sans goût, qui plus est à la composition nutritionnelle douteuse qui si elle ne nous emposisonne pas ne nous sert pas non plus.
Alors oui je fuis tous les plats préparés, les produits industriels, oui je renonce àdes mauvaise habitudes pour revenir à une alimentation plus simple (ou je ne fais pas souvent de découvertes gustatives).
Faire attention à son alimentation, connaître les bienfaits et les mauvais effets de certains aliments, faire le choix de ne pas en consommer certains pour des raisons éthique ou nutritionnelle. Ne pas avoir envie d’aller manger n’importe quoi sous prétexte de convivialité n’est pas forcément un problème psychiatrique mais une prise de conscience sur des habitudes alimentaires qui n’ont plus rien à voir avec celle de la génération précédente.
Attention aux raccourcis. l’orthorexie est une maladie sérieuse, il ne faudrait pas en parler à tort et à travers et la banaliser comme on l’a fait pour l’anorexie. combien de fois les fills maigres sont taxées d’anorexiques alors que beaucoup de malades s’ingnorent et ne déclenche aucune alarme parmi leurs proches.
A+,
Mystinguett
Merci , pour cet article, il est vrai qu’aujourd’hui avec les médias on ne c’est plus vraiment vers quel aliment se tourner.
Devenir végétarien dur dur je vie dans la Sarthe et suis entourée de bons produits porcins.
Mais il est vrai parfois je suis un peu perdue dans mes choix quand je fais mes courses, attention à ceux ci, pas manger cela, il était tellement plus simple de consommer quelques années en arrières…
En lisant cet article, je me demandais que pourrait faire l’entourage des gens qui souffrent d’orthorexie pour les aider.C’est en tout cas une très bon éclaircissement des choses car beaucoup de rumeurs circulent sur les aliments en conserve surtout, comme quoi ils contiendraient de nombreuses substances cancérigènes.
@Bonheur du jour merci 🙂
@Brigitte la nourriture doit occuper une juste place, ni trop ni trop peu, on pourra en parler 😉
@Mystinguett ni banaliser, ni dramatiser, comme je le dis au début, prendre soin de son alimentation n’est pas une maladie !
@Maud essayez d’écouter vos envies et ce qui compte pour vous
@Vanessa l’environnement doit essayer de ne pas juger et critiquer mais comprendre les angoisses, accepter et suggérer que peut-être un accompagnement est nécessaire si la personne semble vivre des difficultés importantes
Super billet, très intéressant Ariane ! Je me demande s’il s’agit d’un mal typiquement contemporain ou s’il est plus ancien qu’on ne le pense…
Je suis tout à fait d’accord avec Mystinguett. Les différents scandales alimentaires ne sont pas de simples cas isolés et notre alimentation se rattache à des problématiques beaucoup plus vastes comme le respect de l’environnement, l’éthique sociale et économique.
Pour autant, je sais que ce n’est pas parce que je vais manger un bout de saumon en collectivité dont je ne contrôle pas du tout la provenance ni la qualité que je suis en train de gâcher irrémédiablement planète et morale, et accessoirement ma santé ! On peut être attentif ET rationnel.
L’acte de consommer n’est pas anodin, il permet de dire oui ou non à des systèmes, et je crois qu’on n’aurait tort de se priver de ce moyen d’expression.
@Polina merci ! les obsessions alimentaires ne sont pas nouvelles mais il y a sans doute quelque chose d’assez typique de l’époque, lié au fait que les aliments sont de plus en plus mystérieux car majoritairement transformés (une sorte de boite noire, dit le sociologue Claude Fischler) et on se méfie donc davantage de ce qu’on ingère…
@Cicciotella tout est question de dosage : avoir des convictions, faire des choix, oui, mais attention s’ils gâchent la vie…
Bonsoir Ariane,
Je fais suite à ta sollicitation sur Twitter.
Comme le disent tes lectrices, ton post est intéressant de par les nuances qu’il apporte.
Je reste cependant un peu plus dubitative que toi sur l’emploi de ce nom scientifique, finalement très récent puisque apparu en 1997.
En effet, sans sombrer dans la paranoïa, je ne suis pas certaine que l’industrie agroalimentaire voit d’un bon oeil toute démarche qui consisterait à manger « sain, de saison et local ». La plupart des gens allaient jusque là faire leurs courses dans leurs supermarchés préférés parce que ces derniers leur offraient un niveau de confiance suffisant.
Après les nombreux scandales alimentaires, il est peut-être un peu normal que le consommateur devienne de plus en plus méfiant, tout en s’intéressant de plus près à ce qu’il a dans l’assiette.
Et c’est là que ça risque de poser problème. Tu imagines quelques millions de personnes qui se refusent de manger des produits transformés, ça peut très vite faire mal aux cordons de la bourse.
Pour éviter ce genre de débordement, il est préférable d’étiqueter ces récalcitrants d’un bon qualificatif scientifique les faisant passer pour des tarés. Allez hop, tout le monde dans le même sac !
De toutes façons, on en reparlera, je mets un billet sur le fait qu’on entende de plus en plus parler d’orthorexie. Histoire d’apeurer et culpabiliser le maximum de monde.
A l’inverse, quel nom scientifique nous ont trouvé tous ces éminents spécialistes pour qualifier les industriels qui gavent les saumons de farine animale, qui vendent des produits à base d’OGM sans plus de recul sanitaire, qui te refourguent de la viande de cheval à la place du boeuf … ? Comment elle s’appelle cette maladie ?
Au plaisir de prochains échanges.
Vittoria
@Vittoria peut-être n’ai-je pas été suffisamment claire : cela devient une pathologie, quel que soit son nom, si elle empêche de vivre comme on le voudrait, si elle occupe une part centrale des pensées au détriment du reste, si elle éloigne de toute vie sociale… Cela n’a rien à voir avec vouloir majoritairement manger sain mais faire honneur aux plats des amis ou à ceux des restaurants sans les bombarder de mille questions…
Si si Ariane, tu étais tout à fait claire !
Il y a juste que j’ai du mal avec le fait de placer la phase de prise de conscience et d’appropriation (qui peut être plus ou moins longue) en pathologie. Heureusement que la conduite du changement n’est pas une maladie …
Une fois la personne suffisamment mûre, je suis 1000 fois d’accord avec toi pour qu’elle se lâche de temps en temps vs un bon gastos ou une invitation chez des amis (sans les harceler de questions, effectivement !).
Et y a-t-il des obsédé(e)s du manger sain parmi vous, des personnes qui se sentent proches de cette description de l’orthorexie ? Si c’est le cas et que vous êtes à Paris, merci de me contacter par mail