Arrêter le gluten, une solution de facilité ?
Peut-être allez-vous trouver ce titre un peu provocant ou déplacé… Voici un billet un peu rapide, né d’un agacement, autour d’un sujet fort complexe sur lequel je reviendrai en détail à la rentrée.
Bien sûr, je ne parle pas des personnes chez qui l’on détecte une intolérance (et non allergie) au gluten, aussi appelée maladie coeliaque, qui n’ont d’autre choix que d’éliminer totalement et rigoureusement le gluten de leur alimentation. Ces personnes-là ne le vivent pas forcément bien, partagées entre le mieux-être ressenti (après parfois un long parcours pour arriver au diagnostic) et la difficulté de suivre ces règles au quotidien quand on doit manger à la cantine, au restaurant, chez des amis, faire les courses… Ils peuvent notamment trouver des infos via l’AFDIAG.
Je pense aux autres, les personnes qui soit ressentent un inconfort digestif réel, soit vont très bien mais pensent qu’elles iraient encore mieux sans gluten (j’avais parlé de cette graduation dans ce billet qui tentait de faire un point un peu synthétique sur le sujet).
L’inconfort physique
Les gastro-entérologues (une partie, du moins…) reconnaissent aujourd’hui qu’il existe, en dehors de la maladie coeliaque, ce qu’on appelle une hypersensibilité au gluten, qui crée un inconfort digestif mais qu’on ne détecte pas par les analyses traditionnelles.
Donc, pour l’instant, on incrimine le gluten, c’est une voie simple (en théorie, en pratique un peu moins, je le disais) d’avoir ainsi un seul coupable, et puis on en parle beaucoup dans les médias, donc on alimente la machine à incriminer. On y ajoute parfois (même souvent) le lait.
J’étais récemment à un colloque de l’Institut Pasteur à Lille et les premières études (insuffisantes pour tirer des conclusions) s’interrogeaient sur le rôle véritable du gluten dans cette hypersensibilité, vs peut-être certains « FODMAPS« , composants fermentescibles, parmi lesquels les fructanes présents entre autres dans le blé. Il est très difficile et long d’avoir des résultats d’études car les protocoles sont très complexes si l’on veut être parfaitement rigoureux.
Et si on suspecte les FODMAPS dans son inconfort individuel (cette approche a clairement le vent en poupe en Amérique du Nord après l’Australie), il faut se lancer dans un protocole long prenant en compte beaucoup d’aliments pour savoir en fin de compte lesquels on supporte ou pas. Les patients n’ont pas forcément le courage de cette recherche au long cours et choisissent parfois l’abandon du gluten sans savoir si c’est vraiment le responsable.
Mais alors, direz-vous, comment expliquer que beaucoup de personnes qui arrêtent le gluten disent aller nettement mieux ? Cela prouve-t-il que la cause de leur inconfort était le gluten ? Quand on arrête le gluten, peut-être arrête-t-on de se gaver de baguette molle ou de pain de mie. Peut-être diversifie-t-on davantage son alimentation. Peut-être se met-on à cuisiner plutôt que d’acheter des plats préparés… Donc est-ce seulement l’arrêt du gluten qui crée le mieux-être ?
Et plutôt que d’arrêter le gluten en bloc, peut-être peut-on améliorer le gluten qu’on absorbe : ne pourrait-on pas rechercher des aliments pourvus de gluten mais qu’on arrive à digérer plus facilement, le pain notamment : le type de blé, de mouture, de farine, de fermentation, … ont une influence et il y a pain et pain, gluten et gluten…
Par ailleurs, j’expliquais dans mon précédent billet qu’il ne fallait pas considérer les seuls aliments mais bien l’interaction, unique, entre les aliments et notre système digestif. Là encore, c’est un vaste domaine, encore en grande partie inexploré, auquel s’attaque la recherche. Mais on sait déjà le rôle de ce qu’on appelle désormais le microbiote intestinal : du point de vue des milliards de bactéries qui peuplent notre intestin, nous sommes tous différents dans ce domaine et il apparaît que le manque de diversité de cette flore bactérienne ou le manque de bactéries protectrices dans l’ensemble aurait une influence sur de nombreuses pathologies. Mais ce n’est probablement pas irréversible : les mécanismes ne sont pas encore expliqués mais il semble qu’avoir par exemple une alimentation variée, équilibrée, tende à améliorer la diversité bactérienne. Peut-être certains probiotiques aussi (mais pas tous et différemment pour chaque personne), c’est un sujet que je commence à creuser.
L’inconfort psychologique
Aujourd’hui, il y a beaucoup plus de personnes qui arrêtent le gluten que celles qui ont un véritable inconfort. Même les chefs s’y mettent, argumentant que c’est tellement stimulant pour leur créativité. OK. Mais plus léger ? Meilleur au goût ? Pour ma part, je ne cesse de me régaler dans des restaurants AVEC, qui ne proposent pas forcément une cuisine lourde et insipide !
Car, plutôt que supprimer le gluten et penser que manger SAIN est forcément manger SANS (réécouter ma Minute Gourmande sur le sujet), on peut, si on en ressent le besoin, se poser, prendre du recul sur son alimentation, consacrer davantage de temps à faire les courses et à cuisiner, introduire davantage de variété et se faire du bien ainsi, sans forcément supprimer des catégories d’aliments.
Et surtout, se rappeler que CHAQUE PERSONNE EST UNIQUE, à elle de trouver le mode alimentaire qui lui convient, au-delà des modes et des modèles.
Je reviendrai sur ces sujets à la rentrée mais vos commentaires sont bienvenus dès maintenant.
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Bonjour
J’apprécie énormément vos billets qui sont parfaitement rafraîchissant dans le monde de la pensée unique et de la mode. Je profite de celui d’aujourd’hui pour vous remercier pour tous les autres, leur teneur, leur fréquence et leur ton.
Bonjour
Pendant très longtemps j’ai eu énormément de « gaz » que je retenais toute la journée car je travaille en Open Space : je me souviens que ça virait à l’obsession.
Sur les conseils de mon naturopathe (pb de dos et de sciatique) il m’a conseillé de limiter le lait et les laitages que j’adorais pourtant.
Et bien je revis, plus de gaz et je peux me déplacer dans le bureau sans crainte.
Toutefois je continue à cuisiner mes classiques de temps en temps : chou fleur en béchamel , oeufs florentine, riz au lait , semoule au chocolat , crêpes , gratin…
Mais plutôt le soir….
Pour le gluten : je ne sais pas quoi en penser. Mais là où c’est interessant c’est que cela permet d’élargir nos horizons et de tenter de nouvelles recettes avec de nouvelles farines (de riz , de mais …) d’ acheter du pain de meilleure qualité …
Comme d’hab 100% d’accord! C’est toujours plus facile de trouver un bouc emissaire rapide (au choix lait et gluten ou les deux meme) que de chercher un peu plus loin, comme dit plus haut rien que sur la diversification et simplification des plats plutot que le gluten en lui meme… Mais on revient toujours au « vive la moderation » 🙂
A+
Karine
@Henriette oh merciiiii, comme c’est adorable, merci de me lire avec fidélité !!!
@MJ ravie que vous ayez trouvé un mieux-être, le mieux c’est d’expérimenter et les mécanismes d’inflammation liés au lait semblent fréquents (mais ne pas généraliser !. Quant au gluten, bien sur qu’on peut essayer autre chose, qu’il s’agisse de farines, de riz, de pommes de terre, de polenta… : plus on mange varié, mieux c’est mais ce n’est pas une raison pour l’abandonner !
@Crearine merci beaucoup de ce soutien !
C’est très appréciable de lire des billets aussi pointus et réconfortants, très loin de la pensée unique, parfois excluante! Je vous rejoins sur la diversité, la qualité et la modération que l’on peut apporter à nos repas…Merci Ariane de partager tout ceci avec nous.
Bonjour Ariane,
Je découvre votre blog grâce à ce post qu’une amie m’a conseillé. Je m’intéresse depuis plusieurs années au cerveau du ventre, au microbiote intestinal, aux fermentations, aux propriétés particulières de l’eau, aux approches agricoles qui cherchent à préserver le microbiote du sol et la diversité biologique, bref, aux sujets qui vous intéressent ! Je lis donc votre post avec enthousiasme et serai heureux de vous rencontrer pour échanger de vive voix sur ces sujets.
J’ai créé une playlist vidéo avec des conférences et des films sur le sujet :
http://www.youtube.com/playlist?list=PLuS8U-5w1PwKne0Li9Ck1v_LWTGTqWRp-
A découvrir aussi les travaux du Dr Donatini sur le microbiote :
http://naturo-passion.com/flore-intestinale-recommandations-dr-donatini/
N’hésitez pas à m’envoyer un mail avec vos coordonnées pour qu’on se rencontre. Je serais ravi d’échanger sur ces sujets avec vous.
@Martine merci beaucoup !!!
@Frédéric merci pour ces informations.
J’aime bien venir chez vous de temps en temps car ce que j’y lis est plein de bon sens. A chaque fois je me dis : « Enfin, quelqu’un de sensé, qui parle clairement, sans exagéré, et en connaissant bien son sujet ! ».
Je suis entourée de personnes qui ont : supprimé le gluten, supprimé le lait (de vache, de chèvre), bref, qui passent leur temps à supprimer des aliments. Les inviter devient un vrai casse-tête… Je suis personnellement très très allergique à différents produits (j’ai fait trois oedèmes de quinck et doit constamment porter avec moi un anapen au cas où) et j’ai donc été OBLIGEE de supprimer de mon alimentation des produits dangereux pour moi. Et je reconnais que je n’ai donc pas l’ouverture d’esprit nécessaire pour accepter sans douter toutes ces modes qui suppriment des éléments clés de notre alimentation. Parce que quand, même, le pain (sauf bien sûr l’allergie reconnue au gluten) fait partie de la base de l’alimentation….
Bonjour,
Merci de ce billet qui tombe à point nommé.
En effet, j’ai commencé à me poser des questions lorsque j’ai acheté le vitaliseur de Marion, qui recommande par ailleurs la suppression du gluten et des produits laitiers. Des inconforts intestinaux quotidiens m’ont conforté dans cette idée que quelque chose dans mon alimentation ne convenait pas à mon organisme.
Le régime Seignalet m’a alors fait de l’oeil, tout en sachant que je ne parviendrais jamais à supprimer le gluten et les produits laitiers de mon alimentation (j’aime trop ça!!).
J’ai acheté un livre de recettes adaptées, quelques courses adéquates (farines de riz, farine de pois chiche, purée d’amande, etc etc). 1er inconvénient : cela coûte très cher surtout lorsque c’est pour une famille. 2ème inconvénient : le gluten est un formidable liant. Ne pas en mettre dans certaines recettes occasionne beaucoup de ratages. 3ème inconvénient : comment gérer les invitations? je ne me voyais pas imposer ce « régime » assez compliqué à mettre en oeuvre, somme toutes.
Je dois dire que certes, il y a un effet mode à la suppression du gluten et des produits laitiers, on utilise même des termes assez anxiogènes : céréales « mutées », etc.
Eh bien votre billet me rassure, merci. Et je lirais la suite à la rentrée avec grand intérêt.
Passez de très bonnes vacances!!
Merci de votre article ! Enfin un discours sensé sur le gluten.
Je n’aime pas cette société où nous avons tellement TROP que nous pensons aller mieux en mangeant SANS (gluten, lait, sucre, graisses… Comme si en mangeant SANS, nous nous achetions une conscience.
En ce qui me concerne, il me semble sensé d’écouter mon corps (je n’y arrive pas toujours bien évidemment et mes quelques kilos en trop en sont une preuve indéniable). La pratique du yoga m’est précieuse dans cette recherche d’harmonie.
AVEC ou SANS, chacun doit faire ce qui lui plaît (et si ce qui lui plaît ne met pas sa santé en danger, alors… tout va bien 😉
Enfin, un article ouvert sur le gluten.
Etant intolérante, je n’ai pas eu le choix : exclusion totale. J’ai donc découvert ce fameux gluten du jour au lendemain et franchement, même si on découvre une nouvelle manière de cuisiner, au quotidien, c’est une vraie galère.
La mode du sans gluten m’énerve au plus haut point. Réduire sa consommation me semble intéressante pour toutes les raisons citées dans votre article. L’exclure alors qu’il n’y a pas de raisons médicales me semble un peu masochiste ! C’est une véritable torture de ne plus pouvoir croquer dans un bon pain de campagne, de partager un gâteau …
Sur ce, je vais me préparer mon p’tit repas.
Bon appétit.
Je suis partisane du tout de façon équilibrée. J’entends le mieux-être de ceux qui arrêtent un ou plusieurs aliment(s). Je l’ai vécu durant ma période végétalienne. Mais le plaisir gustatif a son importance et remplacer un bon pain croustillant par un pavé insipide, non merci. Hormis ceux qui ont des impératifs (réels) de santé, cela n’a pas de sens. Par contre, oui, faire attention à l’origine des céréales. Oublier celles trop raffinées, les choisir bio ou au moins raisonnées.
De par mon travail (vente alimentation bio) je suis confrontée quotidiennement à ces personnes à qui des médecins/amis conseillent l’arrêt du gluten (ou lait animal) sans pour autant chercher à connaître la base de leur alimentation et donner des conseils plus adaptés. J’essaie autant que possible de dire aux gens que le non abus est la clé. Tellement de frustrations conduisent à des extrêmes ensuite.
L’équilibre est dans la variété comme tu le répètes souvent dans tes articles. 🙂
@Bonheur du Jour merci beaucoup de vos visites régulières ! et je vous comprends !
@sawsen mon avis est qu’il ne faut pas faire confiance à qui donne des recommandations unilatérales, identiques pour tous, comme les personnes que vous mentionnez. Chaque personne est différente et si vous avez un inconfort, il vaut mieux, en consultant quelqu’un ou pas, faire des expériences pour détecter quelle est la meilleur alimentation pour vous, plaisante et confortable.
@isabel Vissouze merci de votre soutien et en effet, comme je l’avais déjà évoqué, cette idée qui se répand de plus en plus que sain = sans m’agace car elle n’est pas fondée. On peut manger de tout et se porter très bien, pas de généralités !!!
@Menyne merci de votre témoignage et je vous comprends. Toutefois, les vrais intolérants, tout en s’agaçant, peuvent peut-être se réjouir que la mode développe l’offre disponible et accessible à grande vitesse, non ?
@Sarah tout à fait d’accord sur la variété, merci ! Mais il y a gluten et gluten, j’y reviendrai…
Je suis curieuse de lire ce que tu veux dire par gluten et gluten. 🙂 origine des céréales ?
@Sarah je reviendrai plus longuement sur le sujet bientôt : le gluten qu’on a dans la farine des blés anciens de Roland Feuillas par exemple n’a rien à voir avec celui de la baguette blanche et aérée du supermarché : question de blé, de moulin, de pétrissage…
C’est bien ce que je pressentais en parlant d’origine des céréales. Je crois effectivement que le côté industriel a développé beaucoup de maux que l’on attribue au gluten alors qu’il faudrait aussi les renvoyer aux pratiques qui ont changé. On entend de plus en plus parler de boulangers qui doivent arrêter leur travail car devenus allergiques à la farine !
@Sarah exactement, c’est toutes les étapes de la fabrication du pain qui ont changé et souvent pas vraiment pour notre bien…
Ca fait du bien de ne pas entendre un nouveau discours diabolisant le gluten. Arrêter d’en manger alors que tout va bien n’a pas vraiment de sens pour moi. C’est comme pour le lait, à certaines période je le digère vraiment mal et je le supprime de mon alimentation, mais à d’autres période, je le digère parfaitement et n’hésite guère à manger un bon bol de céréales 😀
@Mickael merci, l’essentiel est de s’écouter et de digérer confortablement, à chacun de trouver ainsi ce qui lui convient