Festival Tous à Table : mélange des gen(re)s ?
Courant juillet, j’ai reçu une information sur un événement prévu le 30 août, le Festival Tous à Table avec une incitation à prendre un billet. J’ai regardé le « menu » attractif de chefs brillants, les prix élevés, le principe de solidarité entre les nantis et ceux qui le sont beaucoup moins. Et sans trop réfléchir, j’ai pris un billet à 49 euros (quand même !) pour le « Brunch des Pâtissiers », un des trois moments de le journée, car c’était le tarif le moins élevé… Et il y avait du beau monde en perspective : Benoit Castel (boulangerie Liberté), le chocolatier-pâtissier Jacques Genin, Cyril Lignac, … J’ai ensuite un peu regretté, me suis dit que ce n’était pas vraiment mon style de participer à ce type d’événement mais bon, j’avais payé, une somme qui n’est pas négligeable pour moi*…
Quelques jours avant, de moins en moins tentée d’y aller car j’avais envie de tranquillité, d’autant que je lis un article où on parle de façon un peu étrange de la « sélection » des bénéficiaires, de l’importance qu’ils présentent bien… Flavio Nervegna, le responsable de l’association indique pour cet événement : « Il faut pouvoir faire honneur à la table. Nos invités sont donc d’abord choisis sur des critères de sociabilité, sur leur comportement. Ils ont conscience qu’ils font une vraie sortie au resto, et notamment s’habillent en conséquence » Un peu bizarre, non ? On va voir les « nantis » en jean, les « invités » en costume ?! Je ressens un côté paternaliste et artificiel même si l’intention de départ est louable…
Je me résous à y aller. J’arrive à 11h30 car je travaillais avant (début théorique du brunch à 11h00), il y a une fort longue queue, personne n’est encore rentré et j’attendrai 40 minutes. Ensuite, aucune consigne, c’est immense, il y a de nombreuses tables, on s’asseoit où on veut. Contrairement à moi, les personnes sont venues à plusieurs, en couple, entre amis, en famille et s’installent ensemble. Normal, ils ne vont pas se séparer ! Pour ma part, je m’installe près d’un monsieur âgé mais il ne fait que ronchonner sur la nourriture et je le quitte pour des dames plus avenantes !
Globalement, cela ressemble à un événement comme ceux que l’on peut voir de temps en temps dans des salons, avec une sono qui fait de l’animation, invite les chefs sur scène, les fait parler de leurs créations. Mais le but n’est pas le même ici.
Je lis par exemple sur twitter : « j’étais au brunch, c’était super chouette ». Mais qu’est-ce qui était chouette : de manger avec des potes, de voir des chefs et de goûter leurs plats, de faire une bonne action ?
Un triple objectif guide l’association mais ce mélange des genres peut-il fonctionner ? Car Tous à Table, c’est quoi ?
1. Gastronomie : un événement culinaire permettant à des passionnés d’approcher des chefs célèbres et de goûter leurs créations ?
2. Solidarité : un événement généreux permettant à des personnes qui ont peu de moyens de passer un beau moment convivial à se régaler de plats délicieux ?
3. Mixité : un événement social visant à mixer des populations diverses, les faire échanger, retrouver le sens d’une convivialité partagée ? Sur le site de l’association, on affiche bien que : « favoriser la mixité sociale » est un objectif majeur.
Mes impressions à ce sujet (basées sur la première partie de la journée uniquement) :
1. Gastronomie : c’est plutôt réussi : les chefs (ceux que j’ai vu pour le brunch) se sont impliqués en amont avec leurs équipes pour préparer des plats en quantité, sont présents, plutôt disponibles, ont élaboré de savoureuses créations, et se prêtent au jeu avec bonne humeur.
Les plats que j’ai goûtés étaient très bons, qu’il s’agisse du tartare de daurade plaisamment relevé par un condiment citron-citron vert de Laurent Favre-Mot (que je ne connaissais pas), l’éclair au chocolat de Cyril Lignac et la célèbre tarte au chocolat de Jacques Genin (choix difficile parmi ses diverses créations). Plus du bon pain sur les tables, que mes voisines ont adoré, des confitures, de la Badoit et de l’Evian, des jus de fruit (j’ai donné mon ticket), du café.
2. Solidarité : je ne peux préjuger du ressenti des personnes qui ont pu participer à prix très modique par la générosité des autres. J’espère vivement qu’elles se sont régalées sans complexe et ont passé un plaisant moment dont elles garderont un beau souvenir. Pour ma part, il me semblerait plus essentiel de proposer au plus grand nombre l’accessibilité à des ateliers bienveillants et gourmands de cuisine du quotidien pour que chacun ait le droit de se régaler tous les jours. Ou de constituer un cercle de chefs qui ouvreraient de temps en temps leur table à petits prix, ce que visiblement l’association fait via les Samedis solidaires.
3. Mixité : J’adhère à cette louable intention de mixité sociale. Mais selon moi, elle est restée du domaine de la théorie (pendant le brunch). Cet aspect m’a paru complètement absent, chacun, d’où qu’il vienne, est resté avec ceux qu’ils connaissaient, je n’ai vu aucun mélange naturel ou suscité de personnes d’horizons divers (mais je serai ravie que l’on me prouve le contraire).
Les missions que se fixe l’association Tous A Table, qu’il s’agisse de l’accessibilité de repas de qualité, de réinsertion… me paraissent tout à fait intéressantes et à soutenir. Sans doute a-t-elle besoin de ce type d’événement médiatisé pour prendre de l’ampleur et accroître sa visibilité. Mais ne soyons pas dupes, il en faut davantage pour recréer vraiment du lien social inter-milieux…
Et vous, que vous ayez participé ou pas, que pensez-vous de ce type d’événement ?
*Entre temps, je découvre via les dernières communications que les 49 euros ne devraient coûter finalement que 16,66 euros après déduction fiscale (je suis en train de pister le justificatif…)
Tu as pointé exactement les 2 points qui ont fait que j’ai refusé de participer à cet événement
1) Cette pseudo mixité bobo avec des « nécessiteux » quand même choisis sur certains critères pour ne pas choquer le public ni leur couper l’appétit
2) Et surtout la déduction fiscale. En caricaturant, ces participants payants, loin d’être dans le besoin, viennent bien manger mais en se faisant rembourser. La déduction quand on donne à une association oui, quand on vient pour se régaler non. Je trouve ça scandaleux et choquant
Voilà, c’est très rare que je pousse un coup de gueule mais là je trouve qu’on est vraiment dans l’hypocrisie bien pensante d’un certain milieu branché ..
Je ne connaissais pas l’événement et n’en ai pas entendu parler dans ma petite ville de province. 🙂 J’ai lu en diagonale la présentation sur le site de l’assoc. Leur objectif majeur est effectivement de favoriser la mixité sociale. Est-ce que les tables étaient mélangées ou bien chacun s’asseyait comme il voulait comme tu sembles le dire ? Auquel cas je doute qu’il y ait eu mélange. Et puis que ce soit dans un objectif de mixité sociale ou de simples rencontres j’ai des doutes quant à ce genre d’événement. Comme tu l’as noté les gens viennent à plusieurs et donc ont peu d’occasion (à part très grande envie) de créer du lien avec de nouvelles personnes.
Je n’ai pas vu les critères pour les personnes défavorisées, juste que celles-ci étaient recommandées par les associations partenaires. Ceci dit avec 500 places c’est certain qu’il y a une sélection et que ce n’est pas tous les pauvres qui auront pu profiter de ce repas de chefs pour 5 €.
La déduction fiscale ne me choque pas (plus) que pour d’autres dons.
Si par ailleurs il y a des actions sur le terrain avec des ateliers, de l’éducation au « bien manger » pourquoi pas. Sinon c’est juste un coup de pub pour des jeunes chefs aux bras tatoués…
Cause juste et sincère ou pas, je n’aurais pas participé à ce genre de repas car je déteste les bains de foule et que repas + musique ce n’est pas un concept qui me parle. 🙂
Mais ce serait intéressant d’avoir le vécu de personnes bénéficiaires.
@Mlle Moutarde suis assez d’accord avec toi sur cet événement mais je dmeande à voir pour les autres activités de l’association…
@Sarah comme je le dis dans le billet, pas vu de mélange mais je n’ai pas tout observé. Pas vraiment un bain de foule, salle très vaste, tables pas pleines, les gens sont peut-être arrivés plus tard… En effet, qu’ont pensé les bénéficiaires, rien vu pour l’instant sur ce sujet…
Sur le site de « Tous à table » on peut lire « 1206 convives, 333 bénéficiaires », « chaque convive paiera son entrée VIP au Festival et permettra ainsi de financer le repas d’un invité dans le besoin ». « Pour le festival, 500 personnes bénéficieront d’un ticket spécial ‘Tous à table’ à 5€, donnant accès à une entrée et à un repas complet. »
Sans commentaire…
@Mag à l’eau merci pour cette précision qui ne m’étonne pas vraiment…dommage…