La patiente qui ne fait pas ce qui est prévu, comment je gère ?
Un post Instagram de mon brillant collègue Duncan Benveniste sur les patients qui ne font pas les « exercices » prévus résonne avec une discussion récente avec ma chère « work buddy » Marine Griot et avec ma pratique.
Régulièrement, des personnes arrivent en rendez-vous en me disant « je n’ai rien fait » avec un sentiment de culpabilité. Elles ont souvent le syndrome de « la bonne élève » qui n’aurait pas fait ses devoirs. Et parfois une logique de noir ou blanc liée au perfectionnisme. Je ne les juge pas et bien sûr ne les gronde pas ! Parmi les manières dont j’aborde le rendez-vous :
– Je leur explique que s’observer et conscientiser ce qu’on fait ou pas est déjà « faire » quelque chose,
– Je leur rappelle que les expériences proposées sont une incitation à s’observer et tester des scénarios, et ne sont jamais une obligation : elles sont libres !
– J’essaie avec elle de comprendre ce qui s’est passé, ce qui a pu bloquer, créer de la résistance : comprendre pourquoi on n’a pas fait un « exercice »/une expérience est souvent source d’informations précieuses.
– En leur faisant raconter ce qui s’est passé pour elles depuis le rendez-vous précédent, elles réalisent souvent qu’elles ont finalement fait diverses avancées sur le chemin de la tranquillité alimentaire même si ce n’est pas sur le domaine précis qui avait été envisagé.
Bref, sans me jeter de fleurs mais parce que je prends le temps de les écouter, elles repartent souvent dans un état d’esprit bien différent de celui avec lequel elles étaient arrivées.
Cela ne se passe pas toujours comme ça ! Il est clair que, dans le même état d’esprit de sentiment d’échec, d’autres personnes ont envie d’annuler le rendez-vous. Si j’ai une personne au téléphone, j’arrive parfois à lui expliquer que c’est justement parce que ça bloque qu’il est important de prendre le temps de décortiquer ensemble ce qui se passe. Certaines personnes annulent sous un prétexte banal (réunion de travail, maladie, imprévu…) et arrêtent le suivi : je ne connais pas leurs raisons. Je ne leur en veux pas (même si bien sûr comprendre peut m’aider moi-même à progresser). Je sais que c’est difficile de s’expliquer ; que les personnes qui sont en difficulté avec l’alimentation, ont parfois du mal à s’affirmer ; qu’avoir l’impression de ne pas avoir avancé depuis le rendez-vous précédent peut créer un sentiment d’échec pénible et fragilisant ; que la longueur du chemin à parcourir peut entraîner du découragement et l’envie de tout arrêter.
Je parle souvent de persévérance comme une des clés de l’avancée sur ce chemin (et surtout pas de volonté). Récemment, une patiente me remerciait d’ailleurs d’avoir eu des paroles qui l’ont incitée à persévérer et que cela en valait la peine.
Tout cela est aussi bien sûr lié à la qualité de la relation qui s’est installée entre la personne et moi, qui lui donne confiance ou pas dans ma façon d’accueillir ses difficultés sans jugement. Une longue fréquentation de diététiciennes un peu rigides peut réactiver une angoisse que cela va mal se passer…
On évoquait ces sujets hier avec Marine à propos de nos expériences respectives en tant que cliente/patiente et non professionnelle de l’accompagnement. Elle parlait de kiné et cela m’a fait ensuite penser à un travail de « yoga des yeux » que j’avais entrepris il y a des années, j’avais annulé un rendez-vous en cours et n’avais pas repris contact : je comprends bien la difficulté à s’exprimer dans ce type de circonstance et l’envie de « fuite ». Il me semble toutefois que, quand on arrive à dire les choses, à dire que ça ne va pas, cela enlève un poids (symbolique, celui-ci).
Qu’en pensez-vous ? Avez-vous parfois envie de vous enfuir d’un parcours de soin, d’apprentissage ou autre ?
Image Mohamed Hassan / Pixabay
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