Le temps, la qualité, le coût : l’équation alimentaire à 3 dimensions
Je crois que c’est en préparant une conférence il y a presque un an que j’ai pensé à cette « équation ». Depuis, j’en parle régulièrement, je la retourne dans tous les sens, et je la trouve incontournable. Je m’explique.
Le temps – la qualité – le coût : comme je le disais dans un billet il y a quelques jours, on ne peut pas gagner sur tous les tableaux. On ne peut pas bien manger, pour pas cher, en n’y passant pas de temps. Je suis convaincue que ce n’est pas possible !
Je m’élève contre les chantres de la « fracture alimentaire », ceux qui simplifient le problème en n’en faisant qu’une question de budget. C’est beaucoup plus compliqué que cela. Car on peut bien manger sans dépenser beaucoup d’argent, mais à une condition : faire des courses malines, trouver les bons circuits et CUISINER, donc passer du temps à cela, plutôt qu’à une autre activité. Et peut-être passer du temps à développer son SAVOIR-FAIRE culinaire si on n’a pas beaucoup appris dans sa famille. Mais c’est possible. Avez-vous déjà calculé le coût d’une soupe de légumes, d’une omelette ou d’une salade de lentilles ? Avez-vous déjà évalué la quantité de tutoriels culinaires de tous niveaux qui existent sur internet ? A condition de s’y intéresser. Cela me fait penser au « défi » que j’avais lancé il y a quelque temps de manger pour 25 euros/semaine.
A l’inverse, si on ne veut pas consacrer de TEMPS à avoir une alimentation saine et variée, on peut DELEGUER cela mais avec un coût certain, plus ou moins important. A l’extrême, on embauchera un cuisinier. Ce qui fait rêver beaucoup de personnes. Mais est rarement concrétisable…Ou on prendra ses habitudes dans un restaurant adapté. Ou on se fera livrer de bons plats.
On peut donc avoir la QUALITE et un COÛT bas en passant du TEMPS.
On peut avoir la QUALITE sans la nécessité du TEMPS en mettant le PRIX.
Mais on ne peut pas avoir la QUALITE sans y consacrer ou du TEMPS ou un certain PRIX.
Il est clair que tout le monde ne va pas soudain devenir riche… Alors, l’enjeu, ou le casse-tête, est de faire comprendre à une part de la population qui ne veut plus / ne sait pas cuisiner, même simplement, que cela peut être un plaisir, un partage, une détente, un moment pour soi, une découverte, qu’il peut être plus agréable de manger des plats fait-maison que d’acheter des plats cuisinés, des conserves, des plats surgelés prêts à l’emploi. Je ne dis pas qu’il faut forcer ou faire culpabiliser quiconque, chacun est LIBRE évidemment. Mais je trouve dommage de laisser majoritairement à l’agro-alimentaire le soin de décider de ce qu’on avale. Cela ne me parait pas souhaitable individuellement et collectivement.
Bref, je suis pour l’augmentation (raisonnable) du temps passé à préparer de bons repas et pour la transmission de savoir-faire en la matière à ceux qui en ont besoin.
Je pense que cette équation est tout a fait valable.
Samedi dernier – nous faisons nos courses au supermarché tous les samedi vers 13 h – nous étions à la caisse derrière une jeune femme et sa fille. 30 et quelques et 7-8 ans. J’ai été effarée par ce qu’il y avait sur le tapis (que de la bouffe industrielle, pizzas, plats préparés, sandwichs industriels, les gâteaux les plus colorés/sucrés… pas un légume, pas un fruit).
Et bizarrement, elles n’avaient pas de surpoids.
On peut tout imaginer : un week-end rapide/ sur la route, une visite au marché le lendemain pour avoir des produits sains, mais je penchais plutôt pour une habitude, une maman surbookée,une gamine laissée à elle-même pour « préparer » ses repas. Quel exemple !
Dans ton équation, sa note n’a certainement pas dû être trop salée, et le gain de temps phénoménal mais la qualité… beurk.
@Blanche merci de ce témoignage. C’est peut-être optimiste, certains mangent ainsi tout le temps… Ou pessimiste, elles vont peut-être par ailleurs au marché acheter fruits et légumes 😉 Par ailleurs, ne confondons pas poids et santé, on peut manger beaucoup de « junkfood » et ne pas avoir de problèmes de poids si on ne mange pas beaucoup mais ce n’est pas ainsi qu’on optimise sa forme physique et mentale.
Coucou 🙂
Tu rejoins mes conclusions. Je crois que tu commences à me connaitre un peu 😉
J’en parle dans un article à venir mercredi, sur la gestion du budget alimentaire et le tout fait maison, justement dans le but de maitriser à la fois nos dépenses et mieux manger. Je me suis permis de faire un lien vers ton article. J’ai aussi un autre article en cours de rédaction sur l’augmentation de la part du bio dans mon petit budget… mais c’est un autre sujet.
Belle et douce journée 🙂
Plein de bisous doux
Bonjour Ariane,
C’est exactement ce que j’explique à mes étudiant(e)s de l’Académie Cuisine Santé. La baguette magique n’existe pas… et la cuisine est un travail. Un travail qui amène énormément de satisfaction, plaisir des papilles, énergie, santé…
Comme tout travail, cela demande des efforts, un apprentissage.
Et quand les compétences sont là, quel bonheur! Compétences pour faire ses courses, compétences pour grouper les préparations, compétences pour anticiper les menus.
Et effectivement, il faut cesser de croire que l’on va gagner à tous les tableaux: manger pour très peu d’argent sans y passer du temps… Le tout est d’en prendre conscience. Merci d’être une éclaireuse !
Bonjour,
Je fais tout moi-même et nous mangeons sain mais j’essaie que ca ne me prenne pas trop de temps. Pour cela je me rends compte que je fais tres simple : le dessert n’est pas obligatoire (et mes enfants s’y sont habitués !), nous mangeons beaucoup de soupe, et je fais des recettes astuces : une bolognaise aux lentilles avec un reste de lentilles ou des belles assiettes avec des crudités, des céréales déjà cuites, du fromage…des bons produits presque à l’état brut ! Mais éplucher des légumes sera toujours plus long que faire cuire des pâtes. Et je vois que c’est bien une question de savoir faire car je suis très rapide avec la répétition quotidienne pour 6 !
@Cenwen hello, merci, hâte de lire ton billet, belle journée !
@Catherine merci beaucoup et bravo de transmettre tout cela
@Claire bravo pour cette belle débrouillardise !
J’ai eu la chance de grandir auprès d’une mère qui cuisinait tous les jours de la semaine, midi et soir (elle ne travaillait pas en dehors de la maison, mais élever trois enfants, entretenir une maison, un jardin et un potager est aussi un travail à temps complet). Les seuls produits transformés étaient les BN du gouters! Pourtant, une fois devenue adulte et avec un travail très prenant, je mangeais très mal et ne faisaient mes courses qu’au supermarché. Ce n’est que depuis 4-5 ans que je suis très soucieuse de ce que je mets dans mon assiette. J’ai totalement changé ma manière de m’alimenter et surtout de faire mes courses. Je n’achète plus que des produits frais, bio dans la mesure du possible. Je me suis mise à la cuisine et j’ai été surprise de tout ce que je savais faire, certainement des souvenirs de mon enfance. Je ne cuisine pas comme ma mère (beaucoup moins de beurre et de crème!), mais les bases sont là.
Evidemment, ca demande pas mal d’organisation, mais je pense qu’on a l’alimentation qu’on mérite. Je n’ai pas l’impression de dépenser plus, je passe surtout par des circuits courts ou j’achète directement chez les producteurs, ce qui permet de réduire les coûts je pense. Ca demande plus de temps, mais je prends plaisir à faire le marché et à cuisiner ce que j’ai acheté. La qualité est évidemment bien meilleure et je trouve mon alimentation d’aujourd’hui plus nutritive, donc j’ai même l’impression de manger moins et donc d’acheter moins, mais mieux. Bref, je pense qu’avec un peu de temps, on peut arriver à manger bien sans dépenser beaucoup d’argent.
@Caroline merci beaucoup, c’est exactement ça, le temps permet de ne pas dépenser trop et ce n’est pas du temps perdu mais du temps pour se faire du bien. Vous rappelez-vous comment le déclic de mieux manger est venu ?
Je ne suis pas complètement d’accord et j’ajoute la case « où » parce que trouver à se nourrir sur Paris dans des coûts raisonnables est un casse-tête chinois quand on mange bio. Je suis inscrite à une AMAP et le grand panier ne nous suffit pas, il faut donc que nous complétions. De plus les légumes par ce biais-là sont de bonne qualité mais ils sont quand-même assez chers et il n’y en a vraiment pas assez pour ce qui nous semble à nous une alimentation normale. Par exemple, les œufs sont moyens, en province j’aurais de gros œufs pour ce prix-là. On a eu cette semaine un bocal de 750gr de soupe maison certes, mais nous on l’a fait et ça nous revient moins cher. Bref, pour moi, c’est quasi impossible de trouver même en y passant du temps et en y réfléchissant beaucoup. Alors que mes copines de province trouvent du frais, du bio dans des prix corrects. La solution ? Trouver un producteur près de Paris et y aller nous-même, mais dans ce cas de figure, c’est y passer énormément de temps et d’argent ! Non ?
Comment faites-vous ?
@Alcachofa merci de ce commentaire, j’intègre en fait le « où » dans le temps : comme cela est indiqué, le temps pour trouver les bons circuits, les bons commerces, les bons produits… ce qui nécessite aussi une dose de savoir-faire pour apprendre à acheter. Pour ma part, je ne suis pas trop panier tout fait et je passe du temps à aller faire des courses à coût raisonnable dans divers commerces notamment dans le 11eme loin de mes bases, cf un précédent billet… Mais pas encore trouvé de situation idéale non plus. Je discutais récemment avec un producteur : la solution est peut-être pour minimiser le coût dans le regroupement de producteurs vers une plate-forme et/ou le regroupement d’acheteurs mais c’est bien un peu déjà le système AMAP ou Ruches…
Dans ma province, c’est vrai que nous avons un large choix de producteurs, de magasins bio et de marchés. J’aime varier et faire la cuisine et c’est certainement plus facile que dans certaines grandes villes ou certaines banlieues près de Paris.
Le système de l’AMAP est très bien mais ne remplacera jamais un bon marché hebdo. En bio, à Paris, les marchés me paraissent hors de prix. L’AMAP aussi semble protéger le cultivateur mais ne pas tellement mettre l’accent sur le fait qu’on y adhère surtout pour se nourrir aussi (ex, une AMAP testée où j’avais eu…un! seul! (petit) oignon pour la semaine plusieurs semaines d’affilée. Quand j’en avais fait la remarque, on m’avait regardée comme si je venais de la planète Mars). On a l’impression que quand on demande combien de kilos ou quelle grosseur ou quantité, ce n’est pas de bon ton. Mes copines de province discutent de ça librement avec leurs maraichers, poissonniers, ça fait partie de l’affaire. Ce sont des notions qui se perdent et nous voilà tous prêts à les laisser de côté pour acheter « sain ». Mais il reste que nous, on n’a pas assez avec notre grand panier après avoir fait quelques soupes, les purées pour le bébé et la quantité courante de légumes pour nos repas. Moi je suis de province et de la campagne, je mange encore comme quand j’étais petite, c’est-à-dire qu’il me faut plus d’un oignon par semaine pour cuisiner mes repas entre les soupes, les ratas, les plats mijotés, les salades, etc. Essayer de manger normalement pour moi me coûte un fric fou et j’y passe également un temps fou. Je ne vous parle pas de l’énergie qu’il faut y consacrer. La vie moderne ne favorise pas cela et c’est trop souvent à l’arrache que nous arrivons à manger normalement, pour nous, ça veut dire frais, même si c’est très simple, comme de couper une tomate ou casser un oeuf dans une poêle.
bonjour,
J’habite tout prés de Paris et je suis en relation avec un collectif de producteurs bio et locaux.
Nous arrivons ainsi à avoir beaucoup de produits bruts à des prix raisonnable.Ils nous livrent les légumes toutes les semaines ainsi que des laitages , des œufs et du pain ( pas de paniers tout fait , on commande ce que l’on veut) et en mensuelle nous avons viande et épicerie. Il y a pas mal de groupes de la sorte sur paris.
Pour en revenir au sujet, je travaille mais j’ai toujours cuisiné .Il suffit parfois d’un peu d’organisation .Je compose mes menus à l’avance ( 10 mn le vendredi) puis je n’achète que le strict nécessaire ou pioche dans mes réserves. Quand les enfants étaient présents je cuisinais aussi pour plusieurs repas et j’accommodais les restes.
Je prépare des plats le dimanche que je congèle ensuite. Je ne fais pas à chaque fois des plats mijotés bien sûr mais par exemple des légumes frais comme des champignons frais sautés à l’ail que je congèle pour plusieurs parts et hop dans des pâtes ou une omelette un soir.
J’optimise mon temps c’est à dire que le matin je prépare ma gamelle et le repas du soir car je rentre tard. il faut supporter de cuisiner tôt le matin par contre.
C’est surtout que j’ai été élevée comme ça , je ne mangeais que du frais petite. Donc j’ai du mal avec les plats industriels. J’ai transmis ceci à mes enfants aussi. Ils ont appris que l’on pouvait bien manger pour pas cher , de qualité et sans y passer beaucoup de temps.
@Alcachofa je comprends…j’ai beau cuisiner en quantité bien moindre, je n’ai pas encore trouvé de solution idéale à Paris combinant praticité-qualité-prix-éthique…
@Nicole merci beaucoup pour votre témoignage, bravo pour cette belle organisation !
@Martine peut-être, il n’y a pas de situation idéale, je crois qu’il faut de toute façon se donner un peu de mal d’où ma notion de temps, pas seulement celui de cuisiner mais celui de l’approvisionnement aussi…
Nicole, je suis preneuse du nom de ce collectif, peux-tu (si tu veux, bine sûr) le donner ici? J’imagine (bien?) que ça ne poserait pas de problème à Ariane parce qu’elle cite aussi beaucoup de noms, de marques etc pour les recommander ou dire qu’elle n’a pas trouvé génial…
@Alcachofa bien sûr ! pour ma part, je parle surtout de ce que j’apprécie ici, pas trop de ce que je n’ai pas aimé (et il y en a beaucoup, je ne tombe pas juste à tous les coups !)
Bonjour il s’agit du collectif percheron.il y a un site à leur nom et une liste des groupes d’île de France ainsi que leurs contacts.
Bonjour Ariane. Ce changement n’a pas été radical, il s’est fait petit à petit. Ca a commencé lorsque j’ai pris l’habitude de me rendre au marché le samedi matin. Il était tout proche de mon appartement de l’époque et le fait de pouvoir y aller à pied en quelques minutes était important. Ensuite, je pense que le contact avec les producteurs a été déterminant dans ma prise de conscience. A cette époque là, les reportages sur internet et à la télé sont apparus et m’ont fait me questionner sur ma manière de consommer. donc pour moi, ça a été un processus qui s’est fait sur plusieurs mois, même des années et qui, j’ai l’impression, n’est toujours pas fini.
@Nicole merci !
Merci pour l’info, j’ai regardé rapide, ça a l’air pas mal. En fait j’en avais entendu parler. A suivre… mais merci beaucoup.