Les Alimentations particulières, ça fait parler (ou un passionnant colloque OCHA)
Il y a quelques jours, j’ai assisté au colloque « Alimentations particulières« , organisé par l’OCHA. Deux jours passionnants, sources de vastes réflexions autour de la nourriture, grâce à la participation active de nombreux et très divers intervenants : historien, archéologue, anthropologue, gastro-entérologue, allergologue, psychiatre, …
Pour nous faire comprendre l’idée des « alimentations particulières », on a commencé par évoquer une sorte d’antithèse : le repas berbère en Kabylie algérienne : le repas s’organise autour d’un plat où chacun puise avec une cuillère, il y a une obligation de manger, ensemble, le même plat, où que l’on soit : il est impensable, très mal vu de manger seul (même les bergers dans la montagne se retrouvent pour manger), ou différemment des autres. Impossible d’exprimer une préférence personnelle, d’avoir une allergie à un quelconque aliment, avec les désagréments sérieux que cela peut parfois entraîner.
Or, aujourd’hui, on s’éloigne largement de ce mode alimentaire : de façon choisie ou subie, de plus en plus de personnes ont une alimentation différente de la « moyenne » des gens.
Comment cette famille modèle vivrait-elle ce repas si chacun mangeait un plat différent ?
Cela peut être une alimentation subie, pour des raisons de santé, notamment d’intolérance ou d’allergie à certains aliments ou ingrédients. Ou cela peut être une alimentation choisie, du fait de croyances ou de convictions (ne plus manger d’animaux par exemple), ou par le choix de faire un régime, voire de développer une attention obsessionnelle au manger sain (l’orthorexie). Parfois, même quand cette alimentation est subie au départ, certains font de cette différence une force. En se créant notamment une autre communauté que celle des mangeurs familiers, plus affinitaire, voire en faisant du prosélytisme.
Le colloque a aussi été l’occasion de s’interroger sur les raisons du développement de ces alimentations particulières, qui semble plus important aujourd’hui. Ne serait-ce pas parce que la nourriture nous est devenue étrangère, parce qu’on ne sait plus comment elle est fabriquée, qu’on ignore d’où proviennent nos aliments ? On ressent le besoin de savoir ce qu’on mange. Et faire des choix, sélectionner des aliments, fixer des règles, donne le sentiment de retrouver une maîtrise de ce que l’on absorbe.
En même temps, cette individualisation de la façon de manger peut être fatigante. Parfois, on préférerait ne pas avoir de choix, ou pas trop (10 parfums de glace plutôt que 50 par exemple), ne pas devoir toujours décider. On a parfois envie qu’on nous dise quoi manger (et c’est parfois ce qu’on réclame à une diététicienne…).
Bref, on a parlé allergies vraies, fausses, ressenties dans le corps ou dans la tête, peurs alimentaires, régimes, orthorexie, modes alimentaires au fil des siècles : je reviendrai sur certains de ces thèmes dans quelques prochains billets.
Et vous, avez-vous le sentiment d’avoir une alimentation particulière ?
Photo © WavebreakMediaMicro – Fotolia.com
Oui ces deux journées de colloque étaient passionnantes, riches et d’un haut niveau intellectuel, très stimulantes.
Ton billet exprime bien la problématique principale.
Je publierai aussi des billets sur certains thèmes qui m’ont particulièrement parlé, dans le mois à venir.
Bon week-end Ariane!
@Florence, hello, merci et d’autres billets à suivre ici aussi bientôt mais je compte évidemment sur toi sur des billets très calés sur les allergies 😉
Moi, je mange peu de viande. Un mélange de conviction et de goût. A part le boeuf et la volaille, j’apprécie pas vraiment les autres viandes. Et je n’en mange que si on m’en cuisine sinon je préfère les alternatives comme les oeufs.
Je suis curieuse de savoir ce qui s’est dit sur l’archéologie de l’alimentation !
Etant apparemment atteinte de TCA, j’adopte un certain comportement alimentaire très discipliné qui m’est très difficile de gérer une fois en « communauté », mais quand je prépare les repas ou reçois des convives, je fais en sorte que le menu convienne aux goûts de tous…
Merci pour ce billet, un bon week-end !
Très allergique (plusieurs oedèmes de Quinck et constamment sur soi un « kit de survie »), je ne peux qu’avoir une alimentation particulière : sortir pose problème mais je fais face en demandant par exemple aux gens qui me reçoivent ou au chef du restaurant quels ingrédients sont utilisés.
C’est pourquoi j’aime recevoir à la maison : je cuisine quasi normalement et tout le monde mange la même chose autour de la table.
Je pense très important de prendre le repas en famille, en groupe, de ne pas manger seul si on peut l’éviter. Ainsi, je vais très souvent à la cantine, avec ma bento, mais à la cantine tout de même, avec tout le monde.
Bon dimanche.
@Julilie_atw vous êtes en quelque sorte une flexitarienne n’est-ce pas ? (https://www.arianegrumbach.com/archive/2011/05/22/suis-je-flexitarienne.html)
@nol de nol, on a parlé un peu alimentation préhistorique, j’en donnerai sans doute un petit aperçu dans un prochain billet.
@Audrée, merci à vous et sachez qu’on peut travailler à faire évoluer tout comportement alimentaire vécu comme « anormal » s’il apporte des désagréments.
@Bonheur du jour, merci et bravo de ne pas hésiter à questionner ceux qui ont cuisiné et d’aller à la cantine avec votre bento. Je suggère souvent cela à mes patientes pour concilier convivialité et repas maison sain et plaisant mais souvent elles n’osent pas ou c’est interdit. Avez-vous une « dérogation » pour cause d’allergie ?
Non, je n’ai pas de dérogation, mais un sourire efficace, je crois…. Jamais de forcing, simplement prendre le temps d’expliquer les choses. Souvent, les chefs (à la cuisine) ont peur des risques – et c’est compréhensible. Il suffit de promettre de ne toucher à rien, même pas aux couverts. Et avec le temps, tout le monde s’est habitué à ce que Séraphine ne peut pas manger comme tout le monde…. Mais je reste vigilante, surtout quand il y a des « pots » organisés au travail : les habitudes ont la vie dure et les cacahuètes ont tendance à refaire surface….
@Bonheur du jour, je vois bien là votre sérénité habituelle et cela semble plus simple et agréable que cet exemple raconté l’autre jour, au colloque : la création de salles de repas spécifiques pour les enfants allergiques (nombreux là-bas) : on a peur qu’ils soient en contact avec des traces de beurre de cacahuète (omniprésent) qui resteraient sur les tables…Pas top pour la convivialité !