Lutter contre la grossophobie, tout le monde y gagne !
Dimanche, j’ai participé (partiellement, le matin seulement) aux premiers Etats Généraux de la Grossophobie, initiés par le collectif Gras Politique*, qui s’est donné pour mission de lutter contre les discriminations multiples que subissent les personnes grosses dans les différents domaines de leur vie.
Deux préambules à ce sujet :
– Comme le rappelle Daria Marx, une des fondatrices du mouvement, « la lutte contre la grossophobie n’est pas la promotion de l’obésité mais c’est la lutte contre les discriminations subies par les personnes grosses ». Evidemment ! Les personnes grosses, vu les désagréments multiples de cette situation, ne souhaitent en aucun cas donner envie de devenir gros.se. En revanche, une personne grosse a droit au même respect et aux mêmes droits que toutes les autres. Cela peut paraître évident mais c’est très très loin d’être le cas.
– Certaines personnes trouvent le mot grossophobie inadapté ou peu plaisant. Cela me parait être un problème mineur à mettre de côté, vu l’importance de lutter contre la réalité de ces discriminations.
Je ne vais pas faire un compte-rendu exhaustif d’autant plus que j’ai manqué la moitié de la journée. Juste quelques citations et impressions.
Il y avait dans la salle des professionnels de santé, des personnes de la Ville de Paris qui avaient initié l’après-midi de lutte contre la grossophobie du 15 décembre, des membres d’associations de lutte contre les discriminations, des juristes, des médias alternatifs….
Une partie des membres de Gras Politique
Pourquoi ce mouvement prend-il de l’ampleur aujourd’hui ? Il me semble qu’il y a un mouvement de fond favorisé par internet pour montrer d’autres corps et lutter contre les stéréotypes du corps parfait. Par ailleurs, selon Sylvie Benkemoun (psychologue, vice-présidente du GROS et militante anti-stigmatisation du poids depuis des années notamment au sein de l’association Allegro Fortissimo), cette mise en avant s’est aussi cristallisée autour du livre de Gabrielle Deydier, On ne nait pas grosse, qui a eu un fort relais médiatique, comme le livre d’Anne Zamberlan qui avait fait émerger le sujet et aussi le mot grossophobie il y a une vingtaine d’années.
Il y a la grossophobie familiale, que j’ai rapidement évoquée récemment, la grossophobie médicale, la grossophobie sociétale.
La grossophobie fait grossir ! Et cela commence par la grossophobie familiale. On est tous différent(e)s et pas tous fait(e)s pour être des brindilles… Un enfant peut avoir une morphologie un peu moins fine que le reste de la famille. Il peut avoir des rondeurs temporaires liées à un moment de sa croissance. Ou il peut prendre du poids du fait d’une fragilité ou d’un contexte émotionnel particuliers créant un besoin de réconfort alimentaire. Ou du fait d’un traitement lié à un problème de santé. Quelle que soit la situation, malheureusement, la famille, par peur du gras, peur de l’enfant gros (Gras Politique insiste sur la dimension sociale du sujet et l’aversion particulière du gras dans les catégories socio-professionnelles aisées) ou pensant bien faire, ou du fait de l’histoire personnelle, d’un parent, va mettre l’enfant au régime. Or, la privation, encore davantage quand les frères et sœurs mangent « normalement » est très mal vécue par un enfant et l’incite à trouver des subterfuges pour manger des aliments interdits et donc grossir davantage. Au fur et à mesure des régimes s’installe l’effet yoyo bien connu et l’augmentation du mal-être…et du poids.
Une des intervenantes, emmenée chez un nutritionniste très jeune, témoignait d’une chose assez incroyable mais malheureusement globalement juste : « on apprend très tôt que les médecins ne sont pas de notre côté. Un enfant gros n’est plus un enfant ». En effet, la grossophobie médicale est très répandue et basée sur des connaissances erronées. On peut être gros.se et en bonne santé, on peut être mince et en mauvaise santé. Il n’y a pas de règles, j’ai déjà parlé de la différence entre poids et santé. Des personnes grosses racontent parfois l’étonnement de leur médecin devant des analyses tout à fait normales sans aucun problème de cholestérol ou de glycémie… En revanche, la façon dont beaucoup de médecins (pas tous évidemment) accueillent les personnes grosses, leur tendance à tout ramener à la nécessité de perdre du poids quel que soit le motif de la visite, à prescrire un régime plutôt qu’écouter la personne, peut conduire à s’éloigner du monde médical et donc à pouvoir moins bien se soigner… De plus, si l’on prend comme définition de la santé, celle de l’OMS : « La santé est un état de bien-être complet physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité », on peut se dire que la grossophobie créant beaucoup de mal-être, elle nuit à la santé.
Daria Marx a dit de façon très juste qu’on s’intéresse beaucoup à la physiologie, au corps, des personnes grosses et pas assez à leur tête, à leur psychologie. Or, qu’il s’agisse de l’alimentation émotionnelle, « doudou », d’un jeune enfant ou des compensations au mal-être de l’adulte gros, la psychologie nécessiterait un accompagnement au moins aussi important que la physiologie, voire prioritaire. Il s’agit de s’occuper des causes et non du symptôme…
Il y aussi la grossophobie de la société, la difficulté accrue à trouver un travail (cela est prouvé de façon chiffrée), à pouvoir s’habiller facilement et avec un budget raisonnable, à vivre confortablement dans les transports, et la relation aux autres : il y a des récits incroyables sur l’agressivité liée au poids, les remarques méchantes que se permettent de façon éhontée des personnes sur une personne grosse quand elle se promène dans la rue, qu’elle est dans un magasin ou qu’elle mange, alors qu’elle n’a rien demandé ! Respecter chaque individu quelle que soit sa silhouette parait être une base élémentaire du bien vivre ensemble. Mais on en est tristement loin… C’est pourquoi il est important d’informer, de faire témoigner, pour que le grand public prenne conscience des conséquences pour les personnes concernées.
Beaucoup de personnes sont d’accord sur l’utilisation du mot gros.se qui est descriptif et ne doit pas faire peur ou gêner, plutôt que des périphrases, des comme ronde ou des termes médicaux comme obèse. Mais la question a été posée de la définition d’une personne grosse si on ne veut pas rentrer dans les catégories médicalisées et statistiques de l’IMC. Beaucoup de personnes se sentent grosses tout en étant de poids normal mais elles sont conditionnées par les standards de minceur véhiculés dans la société. Ainsi, on n’est pas gros.se quand on fait une taille 42…même si on peut ressentir un véritable mal-être corporel ou avoir du mal à s’habiller comme on le voudrait. Du coup, une définition de la personne grosse a été donnée : « c’est celle qui n’arrive pas à trouver un maillot de bain à sa taille un 17 août dans une sous-préfecture pour moins de 50 euros ».
Je ne suis pas restée l’après-midi, qui était consacrée à des groupes de travail thématiques, pour initier des actions concrètes. L’écriture de chartes de « bonne conduite » a par exemple été évoquée.
Pourquoi tout le monde est concerné ? Diminuer la pression sur le poids, accepter la diversité des silhouettes, ne pas stigmatiser les gens du fait de leur corps, arrêter les régimes qui font grossir, si on avançait sur ces (vastes) chantiers, tout le monde y gagnerait et plus particulièrement les femmes, qui subissent beaucoup plus la pression de la minceur.
Actions à suivre prochainement donc et vous pouvez, si vous vous sentez concerné.e, aller sur le site Gras Politique qui propose diverses ressources ou les suivre sur les réseaux sociaux.
*Gras Politique poursuit trois objectifs :
– redonner la parole aux personnes concernées dans des espace sécurisés et bienveillants. C’est essentiel car beaucoup de personnes grosses ont appris à prendre moins de place que celle qu’elles occupent physiquement et à ne pas exprimer leur ressenti. Sont organisés des groupes de parole thématiques, des activités (« Yogras », piscine en groupe). Partager des expériences, rencontrer d’autres personnes est essentiel pour sortir de la culpabilité et de la honte que ressentent très souvent les personnes grosses du fait du regard de la société.
– informer le grand public et les personnes « alliées », toutes celles qui ne subissent pas directement la grossophobie.
– mener des actions auprès des institutions.
En complément :
– l’article du magazine Fumigène, qui était présent, avec de belles photos, .
– une enquête de France Info sur la grossophobie avec des témoignages.
Très intéressant. Le chemin sera long pour faire changer les mentalités, et j’ai beaucoup de respect pour toutes les personnes dont vous parlez et qui luttent contre la « grossophobie ».
Bon week end.
merci ! oh que oui, le chemin est long, et nous ne sommes pas parfait(e)s, chacun peut essayer de prendre du recul sur ses pensées pour identifier celles qui sont jugeantes et pleines de préjugés… Bon week-end !
Article une fois encore passionnant !
Oh merci beaucoup !!!
Merci pour cet article.J’aime bien la définition de la personne grosse ça m’a fait sourire et réaliser que même à Paris (pas une sous préfecture donc) il n’est pas évident de trouver un maillot .Faisant du 42 j’apprends aussi que je suis exclue de cette définition,j’ai bien remarqué en faisant les soldes qu’il ne restait que des immenses piles de 36 et 38 mais on nous fait souvent sentir que le 42 est une grande taille.
On a échangé avec d’autres personnes sur la question des vêtements et il est clair qu’il y a une espèce de quasi-vide lamentable dans l’offre entre les premières tailles et l’offre grandes tailles, rendant particulièrement difficile de s’habiller en 44-46, et peut-être en effet 42 dans certaines marques, alors que c’est pourtant la taille moyenne des Françaises… (bon, les moyennes, ça ne veut pas dire grand chose certes)