Vers la sobriété heureuse de Pierre Rabhi ?
Je connaissais Pierre Rabhi, agriculteur et penseur, depuis quelque temps. Au début, je pensais que ses préoccupations étaient très écologiques pures et dures, pas forcément la tasse de thé d’une vraie citadine. Puis je l’ai entendu, notamment sur France Inter, dans l’excellente et éclectique émission Service Public. Sa vision de l’humain et de la planète, son approche de la modération m’ont vraiment parlé. Et j’ai fini par lire un de ses livres, « Vers une sobriété heureuse ». Ce livre m’a passionnée car Pierre Rabhi raconte à la fois son itinéraire personnel, sa prise de conscience très précoce de la marche folle du monde dans lequel on vit, son indignation face à un système « omnicrétinisant » et comment il apporte une réponse concrète sur la possibilité d’une autre voie.
Pour vous mettre dans l’ambiance, il cite ainsi par exemple une terrible et si lucide prophétie des peuples premiers : « Seulement après que le dernier arbre aura été coupé, que la dernière rivière aura été empoisonnée, que le dernier poisson aura été capturé, alors seulement vous découvrirez que l’argent ne se mange pas ». Face à cela, Pierre Rabhi est persuadé (citant en quelque sorte Gandhi) que chacun peut agir à son échelle et que c’est ainsi que le monde pourra changer. C’est d’ailleurs le sens du nom de l’association qu’il a initiée, Colibris, d’après une légende selon laquelle le petit colibri fait sa part avec ses modestes moyens pour combattre un désastre.
En effet, chacun peut agir à son niveau en prenant du recul sur son mode de vie et en ayant conscience que la possession exponentielle des biens matériels n’est pas la seule voie possible. Pierre Rabhi regarde d’un oeil très sévère la consommation effrénée qui mène à l' »obésité physique et psychique », qui fabrique des enfants qui s’habituent à avoir tout tout de suite, qui est basé sur l’idée du toujours plus. Il se demande d’ailleurs non seulement « quelle planète nous laisserons à nos enfants » mais aussi « quels enfants nous laisserons à notre planète »… Il plaide pour une toute autre éducation redonnant sa place au manuel, laissé complètement de côté dans l’éducation. Il aborde tous les aspects de ce que peut signifier la modération, même la beauté ! Il déclare par exemple que pour les femmes (qui devraient jouer un rôle bien plus essentiel selon lui), »élégance, charme et beauté ne sont pas incompatibles avec la sobriété et ne sont pas subordonnés au niveau des dépenses que l’on peut y consacrer ».
A titre personnel, je me suis partiellement retrouvée dans cette sobriété heureuse sans aller bien sûr aussi loin que lui. Loin de moi l’idée de partir en pleine nature cultiver mon petit coin de terre ! Mais j’ai pris conscience il y a plusieurs années que gagner toujours plus d’argent (en travaillant toujours plus) pour en dépenser toujours plus ne me satisfaisait vraiment pas : j’ai ainsi quitté un travail bien rémunéré pour l’actuel qui me passionne et qui a vraiment un sens pour moi, avec l’idée d’en vivre correctement sans plus. Et je constate depuis que, sans ressentir de privation, je me sens tellement nourrie par les découvertes, les rencontres, ce que j’apprends, que naturellement je suis moins encline à dépenser de l’argent.
Evidemment, la sobriété heureuse a aussi un sens côté nourriture. Il s’agit de se nourrir autrement, avec davantage de produits locaux et avec modération. La sobriété heureuse n’est pas du tout la restriction triste ! Il est question de manger selon ses besoins en respectant et en ne gaspillant pas ce que nous offre la nature.
On trouve dans ce livre de Pierre Rabhi une indignation globale qui me paraît vraiment fondamentale mais aussi des pistes concrètes pour un mode de société plus respectueux de l’homme et de la terre. Donc, une lecture profondément utile à quiconque ne se trouve pas vraiment satisfait du monde d’aujourd’hui.
Et vous, réfléchissez-vous autour de ces sujets ?
Si vous voulez avoir un aperçu complémentaire de la vision de Pierre Rabhi, un « chat » intéressant sur le site du Monde http://www.lemonde.fr/planete/article/2011/06/03/pierre-rabhi-vivre-sobrement-c-est-une-forme-de-liberation_1531614_3244.html
J’ai beaucoup aimé ce livre, je l’ai lu en descendant à Grenoble pour les journées d’études de l’AFDN en mai dernier, j’y rejoignai mon ancienne prof d’économie (agricole) qui développe actuellement la filière biologique et locale dans la restauration collective en Rhône Alpes pour la DRAAF. C’est à mes yeux un petit traité philosophique sur la vie (petit par la forme mais certainement pas par le contenu).
J’ai aussi adoré être présent au lancement de la campagne 2012 « Tous Candidats » à la Ferme du buisson pour l’entendre parler, il a cette même douceur qu’on a à le lire, faisant toujours preuve d’humour. C’est un homme attachant je trouve.
@Ouistidiet tout à fait d’accord avec vous, c’est un livre essentiel et un homme passionnant, que j’aimerais avoir l’occasion d’entendre « en vrai ». A propos de se voir dans la vraie vie, peut-être se rencontrera-t-on aux prochaines Journées AFDN ?
Moi aussi j’ai adoré son livre!
@Julilie_atw super, on est en phase 🙂
Comme je suis heureuse de vous voir citer ce livre que j’ai lu il y a peu de temps !
Comme vous, je partage la vision de Pierre Rahbi que je trouve tout à la fois lucide et …. « normale ». Il est effectivement surprenant qu’on doive nous rappeler aujourd’hui ce qu’est la « normalité » dans la consommation, c’est à dire qu’il faut consommer ce dont on a besoin, et non en grande quantité, et avec le respect dû au monde qui nous entoure. Ses propositions sont simples et il en présente bien l’urgence et la difficulté.
Certains utilisent aussi l’expression de « simplicité volontaire » qui est parlante aussi.
@Bonheur du jour merci beaucoup et vraiment heureuse aussi de mon côté que nous partagions cette vision
Il a raison, une vrai élégance est de se détacher de l’affluence de stupides.
Oui j’ai aussi lu ces livres et me suis intéressée à son parcours pour en arriver là.
J’adore les mots « obésité physique et psychique », nous croulons sous le trop de choses. Je ressens souvent ça, j’ai trop de choses chez moi, et pourtant je suis loin de beaucoup posséder.Nous gaspillons aussi bêtement.
Ma mère m’éleva dans l’esprit des années 50, économie et recyclage à tous les étages, je m’en suis souvent plainte, mais c’est aussi grâce à cette éducation austère que je sais que je pourrais me passer de beaucoup de choses.
Je repense souvent à l’enfance de mes parents, marqués par la guerre, et la « décroissance obligatoire » qu’ils ont dû vivre. Et malgré tout, ils s’en sont très bien sortis, un santé de fer.
@luna ravie que vous partagiez
@florence G. merci, étonnant ce que vous racontez car on voit aussi beaucoup de personnes ayant vécu la guerre basculer par réaction dans l’envie de consommer, pour « rattraper » ce qui avait manqué. L’austérité est un terme un peu dur et ce n’est pas forcément ce que prône Pierre Rabhi, ce n’est pas pour rien qu’il parle de sobriété HEUREUSE : on ne se sent pas privé car il est beaucoup d’autres richesses que matérielles….
@Ariane: je serai absent aux prochaines journées à St-Malo (flûte!), je serai à Paris pour poursuivre ma certification à l’éducation thérapeutique 🙂
@Florence G. & Ariane: je garde pour moi la mémoire d’enfance d’un grand père jardinier qui aura connu les deux guerres et vivait dans une certaine austérité paisible. Maintenant adulte je trouve dans ce souvenir d’une vie simple et saine le moteur de mon bonheur en famille, sans en faire une ascèse du monde actuel mais en me concentrant sur ce et ceux qui me sont essentiels.
je connais pierre Rabhi pour ses chroniques dans « psychologie magazine », et je suis souvent d’accord avec ce qu’il dit… Pour ce qui est des commentaires précédents, et du manque ressenti pendant la guerre à rattraper, j’en ai eu un exemple au quotidien qu’heureusement je n’ai pas suivi ! Ma mère avait la mauvaise habitude de doubler sur les tartines la couche de pâté…, d’une couche de beurre !!!!
@le Ouistidiet dommage pour Saint-Malo mais peut-être aura-t-on un jour l’opportunité de s’apercevoir à Paris ? Et merci pour ce joli souvenir inspirant.
@nat, dur dur en effet pâté + beurre, bravo d’avoir résisté !
Une amie m’a prêté l’été dernier son livre « Du Sahara aux Cévennes : Itinéraire d’un homme au service de la Terre-Mère » dans lequel il raconte son parcours en partant de son enfance en Algérie, et ça m’a vraiment beaucoup plu.
@Clotilde celui-ci, j’avais envie de le lire en complément, je l’ai commandé et ma commande a été volée en cours de route, snif ! Partie remise !